dis-moi Muse

cet homme subtil qui erra si longtemps …

Ô Muse

conte-moi l’aventure de l’inventif 

c’est l’Homme aux mille tours 

Muse 

qu’il faut me dire …

*

nous avons des neuroleptiques...

et nous n'avons plus de prophètes... 

c'est calculé pour... 

l'homme désormais peut souffrir autant qu'il faut...

sans ressentir l'explosion du Verbe...

et quand notre souffrance a passé ...

de pitié en pitié ...

ainsi que de bouche en bouche... 

il me semble que nous ne pouvons plus ...

la respecter ni l’aimer...

*

nous ne connaissons pas de buts...

nous ne sommes que cheminement...

nous n’avons que faire de la multitude de ceux

que  depuis longtemps  dévore

la rage du fabricat ...

qu’

un seul 

ait au moins

le cœur ouvert à la voix

du silence au milieu 

de l’Être

qu’

il dompte 

l’inapprivoisé

dans la profondeur 

de son écrin

voilà notre courage

 

penser autrement

penser 

une autre façon d'habiter la terre

devient

une urgence

revenir au sens originel de 

poiésis

qui signifie à la fois 

production et poésie

l'oubli de l'Être 

est aussi 

l'oubli pour nous de notre être

pour résister à cet oubli

il faut retrouver l'expérience originelle

celle de la gratuité d'

un don

de la création que seule la poésie

est apte à saisir

seule la poésie nous apprend à penser

la poésie montre d'abord

les choses libérées de l'uniformisation 

du regard utilitaire

la poésie 

montre pour la seule joie de montrer 

elle donne à voir le monde 

dans

une attitude de joie 

contemplative et jubile devant sa présence

gratuite et insolite

la poésie réveille 

cet émerveillement que nous avons oublié 

dans notre ennui 

être poète signifie

être dans la joie

abriter en parole

le secret de la proximité

au plus-joyeux

la joie 

naît lorsque nous nous rapprochons du 

don

la détresse de l'homme actuel 

vient de ce qu'il ne veut pas entendre qu'il n'est pas 

la mesure de toute chose

la poésie doit nous apprendre à penser

le penseur peut se considérer 

comme celui qui recueille 

ce qui s'est donné

penser n'est donc pas raisonner

la seule règle du penseur est de laisser apparaître 

les choses en tenant compte 

de la part cachée 

qui demeure

ce qui se retire

la part cachée

entretient mon attirance et permet à mon intérêt 

de rester en éveil

je dois laisser 

advenir ce qui s'offre et être soucieux 

de ma disponibilité à son égard

il y a 

est la révélation

soucie-toi de l’étant en son entier

oui tout pèse 

hormis sur les dieux

la souveraineté

reçois d’abord

venant de l’obscur foyer de l’Être

l’ultime incandescence d’

une bénédiction

qu’elle enflamme la réplique 

divinité   humanité à l’unisson

projette l’urgence 

de l’éclaircie pleine d’audace

entre monde et terre 

comme 

plain-chant

de toutes choses pour que

dans la joie

il soit rendu grâce comme il faut

abrite 

dans le mot 

l’annonce silencieuse

d’

un saut 

par-dessus grand et petit

laisse aller se perdre 

les trouvailles vides de brusques illusions 

sur la voie de l’Être

reçois

projette et abrite

et qu’advienne ce saut

qui  issu de la remémoration la plus ample

s’élance jusqu’au cœur d’un domaine infondé 

porte au-devant de toi

cet unique 

qui 

? 

qui est l’homme

 

?

dis sans te lasser

cet unique 

qu’est-ce 

? 

qu’est-ce que l’Être 

?

ne dédaigne jamais

cet unique 

comment 

? 

comment sont-ils unis 

?

Homme Vérité Être

en s’intensifiant

font résonner

leur essence jusqu’à opposer ce refus

dans lequel ils se dispensent

L.A. Photographies 

Notre-Dame-de-Bellecombe 

janvier 2021