La Deuxième Vie
le passé m'encourage
le présent m'électrise je crains peu l'avenir
j'aime
les insomnies de trois heures du matin
les plus dures
les plus inquiétantes
les plus éclairantes
si le néant est là
il est là
en train de voir le monde éclairé par
un soleil noir
l’insomnie de trois heures du matin c’est le moment du seuil le plus mince celui où la nuit ne tient plus tout à fait mais où le jour n’existe pas encore c’est l’heure suspendue entre le monde visible et le monde intérieur le corps est éveillé mais l’esprit flotte dans une zone indécise ni rêve ni veille un espace où les pensées se dénudent et se confrontent à elles-mêmes
symboliquement trois heures du matin représente le milieu de la nuit spirituelle ce que les mystiques appellent parfois la nuit de l’âme c’est l’heure du doute de la lucidité nue où tout masque tombe la conscience se regarde sans protection elle touche à la fois l’abîme et la possibilité du recommencement
c’est aussi une heure d’ouverture secrète où le silence du monde devient total et où la moindre pensée prend une intensité nouvelle l’insomnie devient une veille intérieure une méditation involontaire un passage où l’on perçoit la fragilité du réel la solitude fondamentale mais aussi la pure présence du moment
trois heures du matin c’est la fissure dans le temps la frontière entre la peur et la clarté c’est le lieu où l’on peut entendre ce qui d’ordinaire se tait et parfois y reconnaître l’origine même de la conscience