le Sage
tout ce qui est est le même souffle
le feu du monde et ton cœur
tu crois souffrir parce que tu t’es cru séparé
regarde
le moi se dissout dans la lumière
et il n’y a plus de bord
plus d’autre
il y a
et cela suffit
Schopenhauer
oui
je vois ce battement mais il est douleur
la volonté est soif
l’homme n’est qu’un cri dans le rêve de la matière
la paix ne vient qu’en niant le vouloir
en s’éteignant doucement
le Sage
tu veux éteindre le feu mais le feu est aussi la clarté
la volonté que tu maudis
le monde n’est pas ton ennemi il est ton reflet
si tu le vois sans vouloir
il devient toi-même
Schopenhauer
alors
le néant que je cherchais serait plénitude
la délivrance
non pas la fin mais la reconnaissance
le Sage
il n’y a pas deux chemins
tu marches encore dans l’unité même en niant le monde
ce que tu appelles néant c’est Brahman sans nom
ce que tu appelles souffrance
c’est le vouloir de vivre
et dans le silence qui suit ils ne parlent plus
car le mot et la chose
sont enfin
le même
*
le Sage
le silence respire encore dans le battement du monde
il n’y a rien à chercher
Schopenhauer
et pourtant
l’homme souffre
prisonnier du vouloir
il ne peut qu’espérer la fin
Nietzsche
la fin
vous parlez comme des morts qui rêvent
le vouloir n’est pas malédiction il est ivresse du commencement
la vie ne veut pas s’éteindre
vous craignez la flamme moi j’y entre
je veux le monde entier
le Sage
celui qui s’abandonne à la flamme ne brûle pas
il devient lumière
Schopenhauer
tu confonds la joie et le délire
le vouloir te dévorera
Nietzsche
il m’a déjà dévoré et je suis debout dans sa bouche
le oui que je prononce est un oui à la totalité
à la souffrance et à la splendeur
à la mer et à la cendre
le Sage
alors tu as compris le vouloir n’était pas l’ennemi
mais la porte
tu ne dis pas non au monde tu dis oui au sans-nom
le cercle est complet
&
les trois se taisent
le Sage dans la lumière Schopenhauer dans la cendre
Nietzsche dans la braise
tous trois respirant le même souffle
que personne ne possède
*
le Chant du Un
le sage
dit
tout est déjà là
il n’y a ni début ni fin
seulement le souffle
Schopenhauer
dit
je renonce au vouloir
je me tais
et dans le silence je vois
Nietzsche
dit
je dis oui
au feu
à la douleur
à l’ivresse du monde
et soudain
les trois ne sont plus distincts
le feu le silence et la lumière
tissent un seul chant
le vouloir devient souffle
le silence devient monde
le oui devient tout ce qui est
la cendre et la braise
la pierre et le vent
la flamme et le reflet
toutes choses convergent dans le même éclat
il n’y a plus de trois
il n’y a plus de deux
il n’y a qu’une seule présence
qui respire et qui voit
qui dit et qui se tait
qui est
le monde entier tient dans ce souffle
et ce souffle est toi
et ce souffle est le sans-nom
UN DIT = UNE DÉITÉ
D. I. T.
Dialogue Schopenhauer Nietzsche Le Sage
D.SNLS
