la fuite
ailée
de la vie sans forme
est le moule
où se coulent
toutes les formes de ce monde
Lionel André / promenades / randonnées / arts / littératures / air du temps
le Mahayana bouddhiste déclare
la forme est le vide le vide est la forme
comment comprendre
?
l'analyse des phénomènes conduit par étapes à cette vérité que toute forme est périssable non-substantielle :
sunyata vacuité
mais il n'existe pas davantage de vide isolable indépendant valant en soi et par soi que l'on pourrait opposer à la fallacieuse plénitude des formes
le vide est la forme ou comme dit Mishima
la référence à la vie ne doit pas nous égarer car si la vie est le sans-forme elle n'en est que l'aspect le plus apparent dissimulant plus profondément le sans-forme d'une énergie cosmique inconcevable
le vide ne se donne pas directement il se manifeste dans un apparaître un phainesthai un processus une phénoménalité sensible un être ainsi : thatatâ
de la sorte sunyatâ la vacuité et thatatâ l'être ainsi font couple deux aspects indissociables de la même réalité.
encore un pas et l'on pourra les identifier :
la forme est le vide le vide est la forme
ou encore pour parler le langage du Mahayanâ entre nirvâna et samsâra il n' y a aucune différence
en Occident nous sommes généralement égarés par l'idée du vide que nous assimilons abusivement au néant ou au non-être
c'est l'effet de l'interdit parménidien : l'être est le non-être n'est pas
d'où la métaphysique de l'Etre de l'Idée du Bien de Dieu qui régulièrement expédie le devenir le processus la phénoménalité dans les affres du non-être
mais l'ancienne pensée grecque avait développé une conception toute autre qui faisait sa place au mouvement au devenir au changement
Anaximandre :
toute chose est issue de l'apeiron
et retourne à l'apeiron selon l'ordre du temps
L'apeiron est ce fond sans forme cet illimité cette éternité cette immutabilité dont procèdent les formes mortelles et périssables indéfiniment et à quoi elles retournent nécessairement au terme de leur destinée :
selon la nécessité
l'apeiron est en quelque sorte dans les choses mêmes non pas en tant que structure forme et rythme mais comme fond inaliénable lequel entraînera la dissolution dans le temps même où il accomplit sa gestation : croître phusis est métaphysiquement le même que périr
l'univers est le mélange permanent de la forme et de l'in-forme du rythme rythmos et de l'ar-rythmiston le va-et-vient indestructible de l'apeiron l'illimité et de peras la limite du permanent et de l'impermanent du fond et de la forme
la vacuité n'est pas une simple absence mais le lieu inlocalisable et omniprésent de la plénitude du sans-forme
partout et toujours il est à l'orée des mondes au crépuscule et au midi toujours manqué inapparent et insensible : pourtant
il est là
dans la poussée des fleurs
dans le calice qui accueille l'abeille bourdonnante
dans le marais insalubre
dans nos pensées d'un jour
fleurs mortelles
fleurs à jamais naissantes