en hiver
les Japonais
l’hiver
Anne-James Chaton
21 juillet 2021
le vent est sec et froid
la bise aiguise les rocs
la lune claire prend une lumière de décembre
les nuages noirs se déversent sur la crête du mont Fuji
l’ouragan ratisse les feuilles de thé
le col de Hakone est resté ouvert
les giboulées tombent
l’averse se transforme en une pluie de petits cailloux
la mer sombre dans la nuit
les blanchailles des algues disparaissent
l’eau douce gèle sur le pinceau
la gelée s’accumule sur le toit
la jarre est brisée par le givre
l’ermitage est couvert de glace
les pierres sont fanées
la neige ploie les feuilles de narcisse
les herbes-du-souvenir sont sèches
les volubilis du matin se flétrissent
les liserons profitent des rares soleils
les chrysanthèmes portent de longs cheveux blancs
les poireaux conservent leurs feuilles vertes
les bambous patientent sous la neige
le saule pleureur se couvre de pâte de riz effilée
les feuilles de pins ont perdu leur rougeur
le concombre de mer a glacé en bloc
l’igname a atteint sa juste taille
les herbes de pampas se cachent
le pavot est fier de sa fleur
le chien trempé hurle dans la nuit
le chat lape la neige fondue
le singe voudrait aussi un petit manteau de paille
les pattes des canards sont bien au chaud dans leur robe de plume
les pluviers prennent leur envol
le grèbe a disparu
les grillons grésillent d’une voix affaiblie
les papillons sont endormis
le faucon survole le cap Irago
les maquereaux se massent à l’île Ogano
les poissons sautent dans le vent qui souffle
la biche se pare d’une écharpe blanche
les cerfs se réchauffent poil contre poil
la coquille de l’escargot de rivière hiberne
la fauvette fiente sur la pâte de riz cuit
le rat d’égout boit le glaçon amer
les moineaux rient des costumes des chanteurs
le bonze se laisse surprendre par l’averse
les pieds traînent dans la gelée
le parapluie se couvre de blanc
le sac vide sert de capuchon
les chauds vêtements de papiers sont de saison
les habits s’empilent sur les corps
les grêlons ornent les kimonos
les chaumes de riz noircissent
les chemins sont couverts de givre
les visages des bons buveurs attendent les flocons
les moines frappent gourdes et bols
le maître est à l’abri pour l’hiver
le jardinier balaie la neige
le marchand de pierre a délaissé son ouvrage
le vendeur de légumes verts s’est réfugié à l’intérieur
le charpentier fixe sa propre étagère
l’enfant joue avec une corde de paille de riz
l’écolier se fabrique des moustaches avec des peaux de lapin
l’homme se réchauffe près du feu
la femme brûle les aiguilles de pin pour sécher les serviettes
la maison est agenouillée autour de l’âtre
les visages souffrent des oreillons
les bâtons d’encens parfument la pièce
les bruits de capselles frappées résonnent
le décorticage du riz fait un bruit de grêle
l’écho du pilon à mochi s’élève
le soja étuvé et fermenté est tranché
la soupe de poisson-globe est servie
les feuilles d’hémérocalle sont mêlées au riz cuit
les ramures d’œnanthes sont brûlées
le riz fermenté donne une boisson sucrée
le gros radis est amer
le saumon séché est présenté
le feu de charbon de bois s’éteint sous la cendre
la couverture ouatée est froide au moment de se glisser dessous
les couvre-lits superposés sont lourds
le nettoyage de fin d’année va commencer
les comiques du nouvel an arrivent au village
le matin du jour de l’an ouvre la période des vœux
le brouillard recule
les herbes de printemps s’impatientent
l’orge se prépare à sortir
les iris s’apprêtent
les pousses mauves percent
les camélias jouent la précocité