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Le fictionnaire
est le démocrate de la fiction
La littérature
est une manière de fabriquer
de la fiction qui demande peu de moyens.
Peu de moyens
techniques et financiers.
C’est
précisément
ce qui lui permettra
de révolutionner la fiction,
d’être la discipline
à même de prendre le pouvoir intellectuel
sur la fiction et sur le futur.
Ou du moins :
ce qui se dira sur le futur.
L’ambition la plus totale
est de faire de l’action inédite.
Ou plutôt, de faire faire de
l’action inédite à l’espèce qui pense.
C’est-à-dire répondre à cette question :
Comment occuper
l’espèce autrement qu’elle ne s’occupe ?
Parce que l’action inédite
est le réel et la vérité
réunis,
parce que l’action seule est exacte,
enfin parce que l’action est obligatoire.
Le seul absolu pour la matière en l’univers est de faire de l’action.
De s’occuper.
Donc la littérature cherche à résoudre ce problème :
comment occuper
la personne autrement
qu’elle
ne s’occupe ?
La solution : l’action inédite.
La fiction agit de manière globale,
à l’échelle du monde,
mais aussi
à l’échelle de la
personne.
Parce que la personne souffre,
la fiction a des solutions à lui apporter.
Par exemple,
la dépression est le problème
le plus grave de la personne vivant
dans les pays aisés du monde
capitaliste.
Afin de le résoudre :
donner des objectifs au monde.
C’est-à-dire qu’un problème
psychologique personnel,
mais qui touche une grande partie de la population,
ne peut être
résolu que globalement.
Le problème
du monde capitaliste
est qu’il ne se donne pas
d’objectifs excitants autres que sa continuation.
La logique
d’ensemble capitaliste
telle qu’on se la représente est au cœur du problème
du monde.
Tout en fabriquant de l’action,
elle empêche l’action inédite, elle donne une
direction au monde sans que celle-ci soit prévisible,
en interdisant d’autres processus
d’expérimentation.
Le fictionnaire
qui fabrique de la littérature
selon la théorie présentement
décrite bute sans cesse contre la logique
d’ensemble capitaliste.
Il s’intéresse alors à trois
voies possibles résolvant le problème :
la rencontre avec des extraterrestres,
la modification de l’espèce humaine,
la fabrication d’intelligences artificielles.
Le fictionnaire est optimiste,
jamais il ne sombre dans les fosses de l’histoire.
Il est informé du capitalisme et de ses méthodes,
il ne s’en étonne pas,
il joue avec.
Il connaît
et se réjouit de vivre
ce moment historique qui restera
comme le moment d’une immense foison
de pensées,
celles qui permettront
à l’homme de sortir de sa condition.
Il pense l’après.
Il le
pense
et il le crée.
Le fictionnaire invente sa vie dans la fiction.
Son leitmotiv :
Écrivez votre vie !
Non pas la vôtre,
mais celle dont
les capacités nouvelles
de la littérature puissent faire que vous
l’écriviez.
Écrivez votre vie inventée !
À chacun de se soigner !
Une manière
de valoriser son
estime.
L’estime de soi,
voici le futur de la fiction pour tous.
Le fictionnaire est le démocrate
de la fiction.
La personne
se soigne par la fiction fabriquée par soi.
Créer est
l’épanouissement
même !
Vive la création pour tous !
crie le fictionnaire.
Dominiq Jenvrey
Théorie du fictionnaire
Paris,
Questions théoriques,
Collection
Forbidden Beach
2011
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