Invitant à nous rappeler que les mots « lac » et « lacune » sont liés étymologiquement,
Dorothée Volut
écrit à propos de Contour des lacunes :
« À l’automne 2019, chaque matin après avoir amené mon fils à l’école, j’allais m’asseoir une heure à l’auberge du village, sur la place entre l’église et la fontaine.
« À cette période, Électricité De France procédait au grand nettoyage du barrage de Fontaine-Lévêque qui se trouve en amont. Jour après jour, par le jeu des barrages en aval, les fonds de la gorge resurgissaient.
Un jour que j’étais en train d’écrire à la terrasse, une amie a déposé ce livre sur ma table : L’eau se mêle à la boue dans un bassin à ciel ouvert (Zone Sensible, 2016).
« L’anthropologue Keith Basso y relatait sa rencontre déterminante avec la culture apache en 1979 et la relation sacrée que ce peuple entretient avec les lieux : en bien des points, à chaque mot, je me sentais Apache.
La couverture totalement blanche de ce livre, au centre duquel, légèrement embossé, se devinait le relief circulaire d’un lac, prolongeait le silence que la lecture des paroles indigènes m’imposait.
« J’avais quitté Marseille pour le retrait, pour la survie. Guidée par une amie, j’étais arrivée dans un paysage vers lequel rien d’autre qu’une crise n’aurait pu m’amener : falaises calcaires arides, petites collines sèches de chênes pubescents, gorges immobiles au fond desquelles gisait l’eau millénaire du Verdon. Sans le savoir, je me mettais au travail pour redéfinir les conditions d’émergence de mon geste d’écrire, et vivre.
Une récolte parcimonieuse, mais suffisante, apparut au fil des ans.
« Du temps où je n’écrivais pas, où le dessin était mon seul trait, j’avais noté un jour sur un carnet : la poésie est la langue de la mémoire. C’était penser dans une matière pré-verbale. »
Composé de façon antéchronologique (le texte le plus récent en ouverture ; le texte le plus ancien en conclusion), Contour des lacunes est le quatrième livre de Dorothée Volut publié chez Éric Pesty Éditeur. Il succède à alphabet (2008, rééd. 2016), à la surface (2013) et Poèmes premiers (2018). Il est une nouvelle étape, déterminante, dans le cheminement d’écriture que poursuit opiniâtrement son autrice depuis le début du XXI° siècle. En miroir de à la surface, chronologiquement composé, Contour des lacunes semble, pour ainsi dire, tourner le dos à son temps.