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Si une droite, tombant sur deux droites, fait les angles intérieurs d’un même côté plus petits que deux droits, ces droites, prolongées à l’infini, se rencontreront du côté où les angles sont plus petits que deux droits.
Ce postulat de la théorie euclidienne, communément appelé celui des parallèles, fut pendant deux mille ans considéré comme un théorème, c’est-à-dire démontrable. On le considère de nos jours comme un axiome, c’est-à-dire comme indémontrable. Devenu contingent, il n’est plus nécessaire que dans le cadre d’une géométrie particulière. Il existe donc d’autres systèmes, d’autres géométries, dites non-euclidiennes, où, pourquoi pas, les parallèles se rencontrent enfin, avant l’infini.
Si l’intuition que l’on a de l’espace semble nous éloigner absolument de cette représentation, le langage, lui, paraît avoir investi cet impossible. Ainsi ne dit-on pas « mettre en parallèles » deux « choses », ou deux « réalités », non justement pour marquer leur distance mais bien pour y détecter ce qui les rapproche ? Mettre en parallèle, c’est donc abolir l’impossibilité de rencontre, c’est créer des liens, des croisements, des nœuds. C’est ce que s’était proposé d’écrire Plutarque il y a près de 2 000 ans dans ses Vies des hommes illustres : mettre en parallèles une vie romaine illustre et une autre vie illustre grecque, en en tissant les liens, en s’appuyant sur l’histoire sans faire œuvre d’historien, en arrangeant l’écheveau à sa convenance sans faire œuvre de fiction. C’est à ce puits que s’abreuvera Vies parallèles.
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