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Earliest Worlds est en fait composé de deux recueils, Blue Guide et Of Sun, Of History, Of Seeing. Le premier explore lumière et obscurité, cosmos et individu, formes et couleurs, matière et imaginaire, mêlant tropes traditionnelles et expérimentations, vers libre et prose, lexique scientifique et méditation lyrique. Le deuxième volume décline le même vocabulaire scientifique sous la forme originale du poème-essai ou du poème-étude, favorisant les mélanges de genres, de dictions (nombreux intertextes) et de formes qui permettent des ruptures de tons, tout en conservant un équilibre entre le sérieux et l’humour. La méditation prend des accents métaphysiques ou phénoménologiques, exprimant un profond émerveillement pour le monde, le cosmos, les particules élémentaires, le corps animal ou humain, les muscles, l’esprit : la vie sous toutes ses formes, plus particulièrement celle du langage. Le vers s’étire, multipliant les enjambements, ou au contraire, se brise et s’émiette au gré de parenthèses, de tirets et d’entailles obliques, de distributions éclatées des mots sur la page, de torsions grammaticales ou syntaxiques inédites. Les termes de la physique, de la médécine, de la biologie et de l’anthropologie prennent des accents lyriques, tandis que l’imaginaire poétique s’incarne, se minéralise, s’historicise...
The California Poem répond au désir d’écrire un long poème « kaléïdoscopique », selon l’expression de l’auteur, dont les sous-parties seraient autant de tiroirs ou fenêtres que le lecteur ouvriraient au hasard. Il s’agit tout d’abord de renouer avec la forme de la sérialité, déjà explorée dans Earliest Worlds, mais abandonnée le temps d’une parenthèse dans The Monster Lives of Boys & Girls (2003). C’est aussi l’occasion d’y concilier une forme de discrétion, expérimentée dans ce précédent recueil. Enfin, elle se propose d’explorer la perméabilité du poème à la diversité du monde, plus spécifiquement de la Californie, à travers la collecte ou mise en forme de repères historiques, croyances politiques, éléments biographiques, rêves ou conversations banales, citations et listes de noms propres, diagrammes, collages et photographies... On y reconnaît l’ambition d’un poème épique, dans la tradition des Feuilles d’herbe de Walt Whitman, ou de Paterson de William Carlos Williams, cherchant à contenir, à travers l’évocation d’un bout d’Amérique, l’ensemble du monde, de son histoire, de son langage, de son imaginaire et de son devenir. Il s’y exprime enfin une veine « environnementaliste » ou « écologique », qui est une tendance contemporaine forte du roman et de la non-fiction aux Etats-Unis. Si l’auteur donne vie à toutes les strates (géologiques, biologiques, historiques, linguistiques, technologiques) de la Californie, elle rend compte aussi d’un profond sentiment de perte, que ce soit à travers l’évocation de l’enfance disparue, ou celle de l’extinction irrémédiable de peuples, de langues ou d’espèces florales et animales.
Du soleil
De l'histoire
De la vision
Eleni Sikelianos
traduit de l'américain par Béatrice Trotignon
Editions Grèges
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