un soupçon
s’est insidieusement levé
un matin
que
la vie pourrait être tout autre
que
la vie qu’on vit
que cette vie
qu’on vit n’est plus peut-être
qu’
une apparence
ou
un semblant de vie
que nous sommes peut-être en train de passer
sans même nous en apercevoir
à côté de la
vraie vie
car nos vies
se résignent par rétractation
des possibles
elles s’enlisent
sous l’entassement des jours.
elles s’aliènent
sous l’emprise du marché
et de la technicisation forcée
elles se réifient
enfin ou deviennent chose
sous tant de recouvrements
or
qu’est-ce que la
vraie vie
?
la formule
à travers les âges a vibré comme
une invocation
suprême
de
Platon à Rimbaud
à
Proust
à
Adorno
la vraie vie n’est pas la vie belle
ou la vie bonne
ou la vie heureuse
telle que
l’a vantée la sagesse
elle n’est surtout pas
dans les boniments du Bonheur
et du développement personnel qui font aujourd’hui
un commerce
de leur pseudo-pensée
la vraie vie
ne projette aucun contenu
idéal
ce
ne serait toujours
qu’
une redite du paradis
elle ne verse pas non plus dans quelque
vitalisme auto-célébrant
la vie
mais
elle est le refus têtu
de la vie perdue
dans
le non à la pseudo-vie
la vraie vie
c’est tenter de résister
à la non-vie comme penser est
résister à la non-pensée
en quoi
elle est bien l’enjeu crucial
mais si souvent délaissé
de la philosophie
un soupçon
un matin
une apparence
un semblant de vie
une invocation
un commerce