un seul flux continu au féminin
un seul souffle
un seul chant
un seul mouvement
elle voit
que le monde se présente
comme
une image fragile
née de son esprit
elle le ressent
comme
un choc vibrant qui traverse son être
elle voit
que tout ce qui existe n’est que
représentation
une scène mouvante
où la volonté aveugle se manifeste sans raison et sans but
elle comprend
que cette volonté n’est pas la sienne
mais le souffle obscur de la vie qui pulse en chaque chose
elle voit
que la souffrance naît du désir
qui n’a pas de fin et que la paix ne survient
que lorsque le désir se tait
elle sait
que la joie véritable est rare comme une éclaircie dans la brume et qu’elle surgit quand elle cesse de lutter contre le monde quand elle se fond dans le simple fait d’être
elle sait
qu’il n’y a pas de signe plus sûr de la joie que d’être une
avec la joie de vivre
elle contemple
la solitude
comme
une force
et non
comme
un manque
elle voit
que l’esprit clair préfère sa propre compagnie à l’agitation du monde et que l’être borné tente en vain de fuir son ennui à travers mille divertissements
elle comprend
que se retirer loin du tumulte est parfois la seule voie pour se rencontrer
elle voit
que la compassion est la plus haute forme de compréhension car en elle chaque être se reconnaît dans l’autre sans illusion de séparation
elle découvre
que l’art la délivre un instant de la tyrannie de la volonté que la beauté suspend l’élan aveugle du vouloir vivre que la contemplation la porte au-dessus de la lourde atmosphère du monde comme un souffle pur
elle sait
que ces moments sont les plus heureux
car ils la rapprochent d’un lieu intérieur où rien ne manque
elle comprend
que le présent est la seule réalité
que le passé et l’avenir ne sont que des jeux de l’imagination
elle voit
que le temps est un dispositif de son esprit créé pour stabiliser ce qui n’a pas de consistance réelle et que la durée n’est qu’une ruse pour donner forme à l’illusion elle sent que la vérité du monde n’est jamais dans ce qui dure mais dans ce qui apparaît
elle découvre
que faire un avec l’instant
c’est devenir légère comme une feuille portée par le vent
elle sent
que la causalité n’est pas dans les choses mais en elle
que le besoin de cause naît d’une angoisse ancienne qui cherche
à dompter le mystère
elle ne demande plus pourquoi le monde existe
elle demande d’où
vient son désir de l’expliquer
elle laisse tomber
les questions qui enchaînent et se tourne vers
l’étonnement qui libère
elle sait
que rien n’est absolument accidentel
que tout se reflète en tout et que le hasard lui-même est
une nécessité secrète
elle pense la nature
à partir d’elle-même et non elle-même à partir de la nature
elle devient le miroir
où le monde se reconnaît
elle devient l’instant où tout s’éclaire
elle voit
que la lucidité est à la fois une blessure et une grâce
elle pressent
que la joie la plus pure naît parfois du courage de regarder en face
l’absurdité lumineuse du réel comme
le dit Rosset
elle accepte
que le réel n’a pas de double qu’il n’y a rien derrière le monde
rien à expliquer rien à consoler
rien à idéaliser
elle accueille le réel
dans son éclat brutal et dans son évidence sans duplicité
et en accueillant cette simplicité terrible
elle découvre
une paix plus profonde que l’espérance
une force plus douce que l’illusion une joie plus stable que les réponses
elle respire
elle est là
elle est une avec le monde et le monde est une avec elle
dans
un seul flux
dans une seule lumière
dans une seule joie sans cause