COMME SI
Une insinuation
au silence
dans quelque proche
voltige
simple
enroulée avec ironie
ou
le mystère
précipité
hurlé
tourbillon d'hilarité et d'horreur
autour du gouffre
sans le joncher
ni fuir
et en berce le vierge indice
COMME SI
L.A. photographie, sur les marches du Duomo de Sienne, juin 2011
Un coup de dés , Stéphane Mallarmé
L'essence du poème est la date :
il est soustrait à la répétition, mais s'adresse à une autre date.
La date résiste à tout questionnement philosophique, à toute objectivation. Paul Celan le montre, poétiquement, par la mise en oeuvre de la date, qui est l'essence du poème. Le poète est un moi, un je solitaire. Il aspire à la singularité d'une rencontre, et toute rencontre est datée. Chaque poème est gardé par une date, qui est irremplaçable [Il a été écrit à une certaine date, pas une autre].
A chaque poème est confié l'inscription d'une date. Le poème est comme un nom propre, un exemple unique, le seul exemple possible de cette date. Pour Paul Celan, cette expérience de la date est caractéristique de notre époque.
Mais dès lors que le poème s'expose, dès lors qu'il se lit, dès lors qu'il se laisse déchiffrer, transcrire, traduire, il rencontre une autre date , tout aussi irremplaçable et singulière, la date de l'autre qui lit le poème. Malgré la date (la sienne), le poème parle à tous. Il se rappelle à la mémoire de sa date, mais c'est vers l'avenir d'une destination inconnue.
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Derrida " Schibboleth" pour Paul Celan