La poésie
ou plutôt le poème ne doit rien
au rêve.
À la rêverie, peut-être, et alors à la divagation, si vous voulez.
En vérité, je ne crois pas qu’elle se fasse ailleurs que sur les lèvres, dans la voix, au hasard de sa venue qui, chez moi, se produit presque toujours en marchant et à l’aperçu, à l’entrevu de quelque chose. […] Il y a un autre monde, vous savez : il est ici et ne demande qu’à apparaître.
Qu’on appelle cela “surréalité” ou “plus de conscience”, c’est toujours de l’immanence cachée, mais clignotante, scintillante, qui fait signe et qui se dévoile quand elle veut et… quand vous pouvez. […] Le poème, chez moi, est presque toujours le produit, l’accompagnement et comme la traduction simultanée d’une espèce d’apparition.
Presque toujours aussi, ce phénomène est bref, et je ne vois pas pourquoi le poème devrait se prolonger au risque de le diluer, de l’épuiser.
Il doit laisser une vibration dans l’air.
Il doit blesser aussi, ouvrir la terre mais comme une épine, pas comme un tracteur.
*
Expurger sa peine.
J’ai perdu la trace de l’avenir.
Madeleine porte des lilas.
Pourquoi dit-on embrasser
quand il faudrait dire emboucher ?
On ne fait bien que ce qu’on fait vite.
Lentement, le temps a fait bouger le socle des raisons.
Pourquoi ma poésie est-elle un bestiaire ?
Parce que nous vivons
le temps des bêtisiers et de l’équarrissage pour tous.
L’homme est un animal qui roule sur les autres
Pierre Peuchmard,
L’immaculée déception, aphorismes