(L.A. photographie de Zermatt à Simplon août 2008)
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Le nuage est un élément important dans l'imaginaire chinois, d'après lequel il constitue un chaînon dans le processus de la transformation universelle. Le titre de notre recueil poétique entre source et nuage signifie ceci : si, d'une façon générale, une source qui coule en sens unique symbolise le temps irréversible, penseurs et poètes n'oublient pas que l'eau de cette source s'évapore au fur et à mesure ; montée vers les hauteurs, elle se transforme en nuage puis retombe en pluie pour ré-alimenter l'eau. Ainsi, la "linéarité terrestre" est sans cesse rompue par un invisible cercle terre-ciel, qui incarne le vrai ordre de la vie. Pour faire sentir cette substance qu'est le nuage, à la fois terrestre et céleste, matérielle et aérienne, le mot français, avec sa prononciation pleine de nuances - un mot beau et proche-, est plus qu'efficace. Ce son du début -NU, qui, avec légèreté, s'amasse, puis s'élargit doucement et finit par s'évanouir dans l'espace. Par ailleurs, je sais gré à Mallarmé d'avoir, dans le poème "A la nue accablante...", si magistralement combiné le double sens du mot "nue". Faire fusionner le corps féminin et la nuée, les plaçant ainsi dans l'infini de la métamorphose, a de quoi toucher un esprit chinois, puisque de tout temps "nue" et "nuée" sont associées aussi dans la tradition poétique chinoise. On y use de l'expression "nuage-pluie" pour désigner l'acte charnel.
(François Chen, Le Dialogue, Desclée de Brouwer)