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Le poète américain E.E. Cummings (1894- 1962) a poussé jusqu'à l'extrême l'éclatement des éléments du discours, et leur redistribution selon une syntaxe inouïe. Voici par exemple le premier des 95 poèmes (1958), dans la belle traduction qu'en a donnée le poète Jacques Demarcq :
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l(une
,
vo
l'fe
ui
,
ll
,
e)
as
ol
,
itude
Le travail syntaxique est ici considérable. Non seulement les syllabes mais encore les lettres qui composent le mot la solitude sont détachées ou groupées librement, et disposées verticalement : l-as-ol-itude. La phrase une feuille vole (soit, dans un autre ordre des mots, une vol'feuille), qui est l'image métonymique de la solitude, est mise entre parenthèses à l'intérieur du mot la solitude. Les lettres ou groupes de lettres isolées produisent une musique subtile, presque imprononçable, presque silencieuse, qui ne s'adresse qu'à l'oeil, en faisant apparaître ici et là encore le signe de l'unicité ( c'est- à- dire toujours de la solitude) : une, l (qui est la lettre L. mais qui est aussi le chiffre 1) , as.
Source : la poésie Alain Frontier, Belin.
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