Ariane Jousse
une forêt
c'est des arbres
de la terre
et des choses qui cachent la terre
....
*
ceci n’est
ni
un roman
ni
un poème
mais
une forêt
un texte-forêt pourrait être
un texte dans lequel s’égarer perdre ses repères
un texte
où le sens erre comme les pas d’
un marcheur pris dans
un labyrinthe borgésien
parcourant sans fin des chemins qui se déplacent
en même temps que la marche
c’est cette errance de la lecture
du sens
du texte
qu’
Ariane Jousse
organise dans ce livre qui refuse
tout sol stable
tout espace fléché
structuré selon les règles
ou les attentes communes
si
le texte est une forêt ce n’est pas
une forêt pour randonneurs avec ses sentiers balisés
et pré-tracés
ce serait la forêt de l’enfance
des sorcières,
la forêt moyenâgeuse opposée à l’espace connu
et réglé de la ville ou
du village :
forêt
de la nuit
de l’inconnu
forêt où rôde l’autre du jour
de l’ordre
du sens
ce qui arrive
est l’écriture puisque l’alliance de la langue et de la forêt est précisément l’écriture comme puissance d’égarement de dissolution d’une vie en soi plurielle et nomade
ce qui arrive
est l’écriture affirmant sa propre puissance qui implique l’exil et l’obscur la vie nocturne la puissance d’un nomadisme universel :
femmes
devenant cerfs
hommes
devenant faons…
Le sol de la forêt n’est pas un sol qui fonde ou sur lequel fonder ce serait plutôt une surface sans directions, sans coordonnées préétablies et fixes, une surface pour se perdre et errer, une surface pour la disparition pour les devenirs inconnus qui habitent la nuit
Tout s’y ressemble et rien ne ressemble à soi tout recommence et commence pour la première fois tout s’y égare et s’engage sur des chemins nouveaux
Tout est l’écriture par laquelle la nuit advient sur le monde l’écriture par laquelle advient un nouveau monde un nouveau désert pour un nouveau nomadisme le nomade refusant tout établissement sur le sol mais étant surtout celui pour qui n’existe aucun sol stable celui sous les pieds duquel le sol est infiniment mobile
La Fabrique du rouge
un livre sans racines
un livre dont le sol ne cesse
de se dérober
de changer
le
livre
d’
une écriture
en elle-même nomade
plurielle
exilée