peut-être
Lionel André / promenades / randonnées / arts / littératures / air du temps
peut-être
en tant que doctrine provenant de l'Antiquité gréco-romaine et que l'on retrouve par exemple chez Aristote la téléologie vise l'explication des phénomènes par l'intervention d'une cause finale
le telos
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une matière irréductible
à la moindre formule définitive
système nerveux plus liquide que solide
peut-être
une cartographie
de filins et d'ondes entortillées
infiniment mouvants infiniment orgastiques
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pour sa carte blanche
Mehdi Belhaj Kacem
a choisi
un texte de
Pierre-Henri Castel
extrait de Pervers analyse d'un concept
voici
le texte dans son intégralité
rendons alors la parole à Sade
la Nature qui vous soutient dans votre être moral et éternellement croyez-vous qui légitime vos aspirations à l’excellence la Nature qui vous fraye la voie d’accomplissements vertueux qu’elle destine à votre espèce ou à sa forme de Vie -cette Nature est-elle si constante et votre espèce en son sein a-t-elle devant elle tous les lendemains dont elle s’arroge depuis si longtemps la disposition ?
il est saisissant de constater combien pour les hommes de Bien l’infini est bon marché et la récompense inéluctable
il fait absolument sens pour eux d’être moral parce que les tendances au Bien qui les anime les dépassent s’étendent au-delà de leurs existences finies et misérables et touchent à une humanité sans cesse à venir
ils en viennent à confondre l’espoir sans lequel ils ne pourraient subsister avec une finalité réellement inscrite dans l’ordre des choses
et leur confiance imbécile dans leur essence leur a permis jusqu’ici de traiter le Mal comme un simple accident de parcours
ils savent du moins idéalement pour quoi ils meurent et à défaut du Ciel ils ont inventé le Sens
toutefois accordez seulement un regard à ces travaux de plus en plus nombreux de plus en plus convaincants qui montrent courbes et chiffres à l’appui que ladite humanité n’en a plus pour un temps infini mais peut-être à peine pour quelques siècles un ou deux milliers d’années tout au plus
ne haussez pas les épaules lisez-les !
quand la mer sera sans poissons et le ciel sans oiseaux quand tout ce qui pousse ou respire se révélera difforme ou empoisonné quand les prétendues téléologies naturelles et les excellences de toute sortes que vous admirez tant se seront révélées pour ce qu’elles sont des hasards fugitifs et fragiles dans un jeu aveugle des éléments matériels où il n’importe pas plus à la Nature de susciter une multitude d’espèce bariolées que d’étaler une morne bouillie grisâtre à la surface des rochers nus quand les gens affamés écrasés sous les édifices politiques injustes et de plus en plus boiteux que la pénurie et l’insécurité auront multipliés commenceront à s’entre-tuer pour les dernières richesses puis pour leur apparence puis pour les ultimes moyens de survie et finalement pour rien alors mes divagations prendront une autre portée
c’est curieux disiez-vous en me lisant mais presque tout ce qu’on peut dire en faveur du Bien on peut l’inverser et en faire un argument en faveur du Mal
vous vous sentiez cependant à l’abri
c’était un jeu de l’esprit à moitié convaincant et la pulsion de mort vous semblait suspendue à un artifice poétique à une rhétorique du Négatif sans prise sur la réalité
l’homme c’est vrai n’a pas forcément une bonne nature
mais même si sa nature est souvent mauvaise il en a encore une et donc des finalités des modalités spécifiques de vie bref il a sa place prévue dans le Tout
et cela vous rassurait
en prenant peu à peu conscience que l’humanité voit sa mort approcher dans l’histoire qu’on ne parle plus de son extinction comme d’une disparition asymptotique à l’échelle des astres mais que peut-être il coulera moins de temps entre le dernier des humains et nous qu’entre nous et disons le Christ une autre possibilité va concrètement s’esquisser.
ce qui n’était qu’un vertige moral voire littéraire se changera en une option pratique de plus en plus séduisante
plus la fin de tout sera proche et plus l’unique choix de raison sera pour les hommes d’ailleurs chaque jour moins nombreux d’en tirer les jouissances les plus atroces les plus démentes les plus excessives
et que feraient-ils d’autre
dans leur désespoir qui soit plus passionnant ?
Le bien ?
mais je vous le demande
pour qui pour quoi et au nom de quel
principe naturel ?
parce qu’il se suffit à lui-même
et que le mérite comme on dit aux petits enfants est
sa propre récompense ?
mais alors
pourquoi en êtes-vous là à ce point
de déchéance ?
qui d’autre que vous sous la seule impulsion de l’avidité et du mépris de l’avenir a mis le monde dans l’état effroyable où il est en sorte qu’il vous refuse maintenant ses secours ?
comme une vaine commémoration des héros moraux d’autrefois
puisque le futur c’est-à-dire la condition du sens et de la reconnaissance n’existera bientôt plus pour personne ?
ce culte vous ennuiera vite
guerres et injustices en revanche qui se produiront déjà spontanément en nombre sous le coup de la misère ou de la peur offriront à foison l’opportunité de voluptés cruelles
car tout le monde ne voudra pas se laisser mourir
beaucoup sans doute voudront d’abord tuer en grand
l’exemple de leur perversité sera communicatif
ses effets raffinés ou brutaux causeront du moins le besoin d’y répondre à l’envi voire de les devancer avant de s’en trouver soi-même la victime
avant de tuer on se permettra donc l’inconcevable
chacun de mes supplices tous mes excès de lubricité connaîtront une seconde jeunesse
on en inventera d’autres que mon seul regret est de ne pas avoir devinés
ce sera le vrai triomphe de l’égoïsme
les derniers individus pour qui la mort aura une signification d’une amertume qu’elle n’a jamais eue pour aucun de ceux qui les ont précédés depuis les débuts de l’humanité se tourneront avec férocité contre leur prochain
et le reste de la société criminelle qu’ils formeront ne leur offrira rien de plus et bien malgré eux! que les moyens de se nuire plus redoutablement les uns aux autres
alors sur un dernier monceau de cadavres au milieu des cendres et des ruines dans une nature définitivement ravagée enfin sûr de ne survivre dans la mémoire de personne je me dresserai le Dernier.
le bel âge de
Mehdi Belhaj Kacem
France Inter
Boomrang
Mardi 24 janvier 2017
je devrais savoir
je savais
je jouais avec le feu
j'ai couru le risque
je ferais toujours la même chose
je voulais éviter la violence
je veux éviter la violence
je devais soit me soumettre
je ne demande pas pitié
je suis ici
in via in patria
un seul pays le voyage
nous sommes tous
des lopins et d’une contexture si informe et diverses
que chaque pièce
chaque moment
fait son jeu
j'aime donc je suis
je pense donc je suis
je ne suis que par ce que je pense mais qu’est-ce que penser
je suis l’esprit qui toujours nie
là où c’était je dois advenir
je
un irreprésentable
un éternel retour sur mon être même
singulier