Chants cartographiques des grues des dunes
en terre mexicaine
elles ont redéployé les cartes
écrites pour elles dans le 2è monde
sous lumière bleue parlées en voix bleues
les grues apprirent
les chants
qui guident dans les mondes à venir
chants nommés
cartes en leur gorge spiralée
dans le monde bleu ont dansé avec Vent
qui chérissait ces êtres à plumes
lors il moula et façonna leurs corps
leur enseigna
à chevaucher son souffle
quand conflits divisaient le monde bleu
les grues
rassemblaient leurs chants leurs cartes
et s’échappaient vers les étoiles
atteignant le Monde Scintillant
où
une grand-mère sème
un pollen pour leur retour annuel
dans le mois
des Petits de l’Aigle elles trouvent leur voie
vers
un cours d’eau qui s’enrubanne
par les champs de maïs et les peupliers noirs
au long des autoroutes et des câbles électriques
voici
qu’elles me rappellent maintenant
au pays de la rivière à coquilles de lune
ainsi je poursuis leurs traces jusqu’aux flots
suis debout dans le vent froid
les admirant avec
humilité
car elles voyagent pour moi aussi
Dééł Biyiin
Nakai bikéyadi
kéyah be’elyaaígíí ‘ąą’anáádayiilaa
Ni’Hodootł’izhdi ba’alyaa
Dootłizh bee ndeezdiín dóó bizhí dootłizh
Dééł Biyiin yída holą́ą́’dóó kéyah be’elyaaígíí dayiizhi’
Ni’Hodootł’izhdi Déél Niyol yił daa’oolzhiizh
Niyol Déél bil nizhóní
Áko Niyol Dééł bits‘iis nizhónígo yá ‘ayiilaa
Náhodiina’go Ni’Hodootł’izhdi ałhinaadiijéé’
Déél dabiyiin dóó dabi kéyah be’elyaaígíí ndeidiinil
sǫ́ jígo adaazt’a’
Ni’ Hodisǫ́sgó
Amásání léi’tahdidíín nayiinííł
‘Atsá Biyáázh bich’į́’ anáánaalzhiizhgo
Déél tooh nlínígo ‘anáá’iisdee’’
Dá’ák’eh dóó t’iis biládi
Atį́į́n dóó béésh na‘azt’í biládi
K’ad dashijoozhí
Moonshell tooh nlínídidéé’
Áko Deeł bikéé’yishaał tohgi
Niyol k’az bii’sézį́
‘Ílį́k’ehgo
Díí shaa’alyaa
Biniinaa ‘akǫ́ sézį́
Laura Tohe (née en 1952) est une écrivaine et universitaire amérindienne. Sa langue maternelle navajo, avec ses complexes modes de verbes et classes de mots, ses longs vocables agglutinants et légers coups de glotte marqués d’apostrophes, est parlée dans le sud-ouest des USA par 167.000 personnes et enseignée dans certaines écoles. Ce poème, très musical en navajo, est typographié centré pour évoquer la fluidité de l’eau ou du vol. Il décrit (et accomplit) comment des chants et mythes (réactualisés en poème) peuvent participer d’une préservation culturelle pour une ethnie au langage rare et précieux. Et peut-être aussi d’essayer de nous dire quelque chose sur le respect de la biodiversité avec la perspective « guérisseuse » des Navajos.