Khlebnikov
c’est juste profondément beau!
Quand le lièvre bondit dans la clairière,
il aperçut les vieux buissons familiers,
une congère inconnue parmi eux et un bâton noir indubitablement mystérieux qui sortait de cette dernière.
Le lièvre leva la patte et inclina l’oreille.
Soudain,
des yeux brillèrent derrière la congère.
Ce n’étaient pas des yeux de lièvre,
lorsque,
immenses étoiles d’effroi,
ils s’élèvent au-dessus de la neige.
A qui appartenaient-ils? à un homme?
Ou bien ils étaient arrivés ici venant de ce pays des Grands Lièvres où les Lièvres chassent les hommes et où ces derniers sortent timidement de leurs trous la nuit,
provoquant les coups de feu des tireurs implacables,
se faufilent dans les potagers pour ronger une tige de tremble ou une tête de chou.
Oui,
pensa le lièvre,
c’est lui,
le Grand Lièvre,
il est venu libérer ses frères du joug offensant de l’homme.
J’accomplirai donc les rites sacrés de notre pays.
Le lièvre couvrit de ses sauts toute la clairière enneigée,
tantôt faisant des culbutes élégantes dans l’air,
tantôt lançant haut ses pattes.
Pendant ce temps,
le bâton noir trembla.
La congère se mit en mouvement et fit un pas en avant.
De terrifiants yeux bleus brillèrent au-dessus de la neige.
Ah! pensa le lièvre,
ce n’est pas le Grand Libérateur,
c’est l’homme.
L’épouvante cloua son corps.
Il resta là tremblant de tous ses membres jusqu’à ce que le coup de feu,
l’éclaboussant de sang,
ne projette haut son corps.