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Toute sa vie, Emily Dickinson se sera penchée sur le mystère de l’absence en questionnant la mort, la nature, l’âme, Dieu, l’existence. Elle ne les contemple pas de l’extérieur, à la manière de bien de ses aînés Romantiques, pour leur substituer son propre discours, mais se coule en eux ou les réfléchit, les laissant affleurer à travers le prisme de son inépuisable curiosité et d’une multitude d’approches, de rapports innatendus, voire incongrus, qui déroutent et stimulent son lecteur en une spirale sans fin.
Le terme employé pour décrire le hiatus, la déchirure, la négation du temps, est le mot blank. IL désigne un espace vide, lacunaire, impossible à combler – et il est assez significatif qu’il s’applique d’abord au papier, à l’écriture. Le néant hante Emily Dickinson à l’instar de Mallarmé. À la page vierge, à l’azur, correspondent la neige, le vide entre les mots, “sur un disque neigeux Points Minuscules –”. En témoigne sa graphie si particulière, où ceux-ci forment des blocs séparés par des tirets. Les vers sont suspendus dans l’espace, constellations musicales et sémantiques, laissant le sens circuler en tous sens comme l’air, d’où la nécessité absolue de respecter (sa) ponctuation. (...)
Extrait de la préface de Claire Malroux à Une Âme en incandescence.
“Oses-tu voir une âme en incandescence ?”
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