les confessions d’un homme en trop
Alexandre Zinoviev
éditions Olivier Orban
1990
traduit du russe par
Galia Ackerman et Pierre Lorrain
réédité chez Gallimard dans la collection
folio actuel
en octobre 1991
La zinoviega
J'ai créé la zinoviega pour mon usage personnel. Il m’arrivait parfois d'en parler à mes amis. Généralement, cela provoquait des rires, mais quelques-uns de mes interlocuteurs l'ont prise au sérieux et se sont même mis à la pratiquer. J'ai exposé certains de ses .éléments dans plusieurs de mes livres. Dans Va au Golgotha, je l'ai appelé le « laptisme » ou l'« ivanisme » du nom de mon héros, Ivan Laptev. Naturellement, mon enseignement y est exposé sous une forme littéraire et avec de nombreuses additions qui ne faisaient pas partie de ma doctrine personnelle.
Ma zinoviega ressemble aux formes connues de certaines religions, christianisme et bouddhisme surtout, sauf qu'elle a été conçue pour un homme cultivé de la seconde moitié du xx° siècle qui a grandi dans une société athée. En outre, elle n'était pas destinée à justifier le repli sur soi-même. Elle est à l'usage d'un homme qui vit normalement dans la société soviétique et se trouve obligé de travailler au sein d'un collectif, de remplir les obligations de son service et ses devoirs sociaux, d'avoir des confrontations avec ses supérieurs, d'utiliser les transports en commun, de faire des queues et d'avoir des relations de famille et des amis. Mon héros littéraire Ivan Laptev définit ainsi la zinoviega : comment être saint sans se priver de la vie pécheresse, comment vivre dans le marécage de notre société de telle sorte qu'elle recule à l'arrière-plan de votre conscience et qu'au premier plan apparaisse notre monde intérieur avec ses propres critères et valeurs qui trouveraient leur concrétisation dans nos actes.