quand
la terre claquera dans l’espace comme
une noix sèche
nos œuvres n’ajouteront pas
un atome
à sa poussière
C’est pourquoi l’écriture,
comme toute création, n’est pas seulement le plus vain des travaux, mais aussi, et c’est un comble, le plus laborieux et le plus pénible.
Car un coefficient d’absurdité l’affecte davantage que toute autre forme de travail ; lequel, tel celui qui préside à l’élaboration d’un pain excellent ou d’un grand vin, peut du moins tabler sur une finalité tangible, sur une gratification à court ou à moyen terme.
Ce qui n’est pas le cas de l’auteur, qu’il soit faiseur de livres, de musique ou de peinture, dont la vraie reconnaissance ne saurait venir, si par extraordinaire elle devait venir, que beaucoup plus tard et le plus souvent après sa mort. Et encore cette reconnaissance posthume, déjà très improbable en elle-même, jouirait-elle par surcroît d’un bénéfice peu appréciable en soi, puisque dans tous les cas la mort et l’oubli finiront bien par s’emparer d’elle à son tour, comme le suggère Zola dans la phrase citée plus haut. Face à l’ensemble des travaux concevables, pénibles certes mais plus ou moins nécessaires et plus ou moins payés, le travail d’écriture fait figure de travail à la fois supplémentaire et non payé. Je conçois donc très volontiers qu’on puisse tenir celui-ci comme une sorte de maladie ou de folie ; et qu’on pense avec le philosophe Tchouang-Tseu que
l’homme parfait est sans moi
l’homme inspiré est sans oeuvre
l’homme saint ne laisse pas de nom
CR. LCDM