12ème examen
et quant aux maux
qu'entraîne avec soi le Destin
juge-les ce qu'ils sont
supporte-les
et tâche
autant que tu pourras
d'en adoucir les traits
les Dieux aux plus cruels n'ont pas livré les sages
Pythagore admettait deux mobiles des actions humaines, la puissance de la Volonté et la nécessité du Destin, et qu'il les soumettait l'un et l'autre à une loi fondamentale appelée la Providence de laquelle ils émanaient également
le premier de ces mobiles était libre, et le second contraint : en sorte que l'homme se trouvait placé entre deux natures opposées mais non pas contraires, indifféremment bonnes ou mauvaises suivant l'usage qu'il savait en faire
la puissance de la volonté s'exerçait sur les choses à faire ou sur l'avenir la nécessité du destin sur les choses faites ou sur le passé et l'une alimentait sans cesse l'autre en travaillant sur les matériaux qu'elles se fournissaient réciproquement : car selon cet admirable philosophe c'est du passé que naît l'avenir de l'avenir que se forme le passé et de la réunion de l'un et de l'autre que s'engendre le présent toujours existant duquel ils tirent également leur origine : idée très-profonde que les stoïciens avaient adoptée.
ainsi d'après cette doctrine la liberté règne dans l'avenir la nécessité dans le passé et la providence sur le présent
rien de ce qui existe n'arrive par hasard mais par l'union de la loi fondamentale et providentielle avec la volonté humaine qui la suit ou la transgresse en opérant sur la nécessité
l'accord de la volonté et de la providence constitue le Bien le Mal naît de leur opposition
l'homme a reçu pour se conduire dans la carrière qu'il doit parcourir sur la terre trois forces appropriées à chacune des trois modifications de son être et toutes trois enchaînées à sa volonté
la première attachée au corps est l'instinct
la seconde dévouée à l'âme est la vertu
la troisième appartenant à l'intelligence est la science ou la sagesse
ces trois forces indifférentes par elles-mêmes ne prennent ce nom que par le bon usage que la volonté en fait car dans le mauvais usage elles dégénèrent en abrutissement en vice et en ignorance
l'instinct perçoit le bien ou le mal physique résultant de la sensation
la vertu connaît le bien et le mal moraux existants dans le sentiment
la science juge le bien ou le mal intelligibles qui naissent de l'assentiment
dans la sensation le bien et le mal s'appellent plaisir ou douleur
dans le sentiment amour ou haine
dans l'assentiment vérité ou erreur
la sensation le sentiment et l'assentiment résidant dans le corps dans l'âme et dans l'esprit forment un ternaire qui se développant à la faveur d'une unité relative constitue le quaternaire humain ou l'Homme considéré abstractivement
les trois affections qui composent ce ternaire agissent et réagissent les unes sur les autres et s'éclairent ou s'obscurcissent mutuellement et l'unité qui les lie c'est-à-dire l'Homme se perfectionne ou se déprave selon quelle tend à se confondre avec l'Unité universelle ou de s'en distinguer
le moyen qu'elle a de s'y confondre ou de s'en distinguer de s'en rapprocher ou de s'en éloigner réside tout entier dans sa volonté qui par l'usage qu'elle fait des instruments que lui fournit le corps l'âme et l'esprit s'instinctifie ou s'abrutit se rend vertueuse ou vicieuse sage ou ignorante et se met en état de percevoir avec plus ou moins d'énergie de connaître et de juger avec plus ou moins de rectitude ce qu’il y a de bon de beau et de juste dans la sensation le sentiment ou l'assentiment de distinguer avec plus ou moins de force et de lumières le bien et le mal et de ne point se tromper enfin dans ce qui est réellement plaisir ou douleur, amour ou haine vérité ou erreur
l'Homme tel que je viens de le dépeindre d'après l'idée que Pythagore en avait conçue placé sous la domination de la Providence entre le passé et l'avenir doué d'une volonté libre par son essence et se portant à la vertu ou au vice de son propre mouvement l'Homme dis-je doit connaître la source des malheurs qu'il éprouve nécessairement et loin d'en accuser cette même Providence qui dispense les biens et les maux à chacun selon son mérite et ses actions antérieures ne s'en prendre qu'à lui-même s'il souffre par une suite inévitable de ses fautes passées
car Pythagore admettait plusieurs existences successives, et soutenait que le présent qui nous frappe et l'avenir qui nous menace ne sont que l'expression du passé qui a été notre ouvrage dans des temps antérieurs
il disait que la plupart des hommes perdent, en revenant à la vie le souvenir de ces existences passées mais que pour lui il devait à une faveur particulière des Dieux d'en conserver la mémoire
ainsi suivant sa doctrine cette Nécessité fatale dont l'homme ne cesse de se plaindre c'est lui-même qui l'a créée par l'emploi de sa volonté il parcourt à mesure qu'il avance dans le temps la route qu'il s'est déjà tracée à lui-même et suivant qu'il la modifie en bien ou en mal qu'il y sème pour ainsi dire ses vertus ou ses vices il la retrouvera plus douce ou plus pénible lorsque le temps sera venu de la parcourir de nouveau