Joa César Monteiro
je ne suis ici pour tromper personne
je suis un classique
Nocturne
heure de chiens urinant
sur la dignité des lampadaires
heure suspendue
de revolvers indécis
heure végétale de
poètes saouls
heure à laquelle avec moi
se croisent les bons yeux
de Gomes Ferreira et moi
reniflant avec envie
la femme nue qu’il
emporte dans les bras
car j’ai toujours eu
la certitude qu’il emportait
une femme nue dans les bras
à cette heure terrible
de lunes jaunes
à cette heure proposée
par l’angoisse des montres
à cette même heure annihilatrice
des consciences bourgeoises
ne pensez pas que je vais me
lancer dans le Tage
ou hurler à la lune
sur la statue
du Marquis
ou pourrir éternellement
sur les bancs de l’Avenue
écoutant le sifflement des trains
qui partent pour Paris
non
après avoir flâné dans la ville
ma jeune expérience
je dis jeune pour ne pas compliquer
je vais quand le jour naîtra
chez Nathalie
lui préparer le petit-déjeuner
Roméo mettant des morceaux de sucre
dans le café de Juliette
ressusciter le mythe de ses lèvres
danser la rumba vêtu en prophète biblique
et écouter la cantate de la Paix
de Sergei Prokofieff
je lui demanderai alors pour m’inspirer un poème
ATTENTION NE BOUGEZ PAS
dans lequel je serai
sur un tapis persan
les bras levés
commandant au soleil
qu’il aille par les souterrains
et par les bennes à ordures
inonder de lumière et d’amour
l’homme en esclavage
lui dire que les heures
passées et présentes
surgirent d’un malentendu
que le futur détruira
commandant au soleil
qu’il frappe les barbares
de foudres et de flammes
pour épargner aux hommes
l’expérience de la haine.