il ne se déplaçait pas du passé vers le futur
Ce que les voyageurs nomment translation verticale Spinoza l’appelait simplement joie Car la joie est une dilatation du pouvoir d’agir donc de la présence donc de la durée En augmentant la joie en lui il augmentait la durée qu’il contenait et traversait les siècles par ampliation intérieure
Il visitait les époques non par déplacement du corps mais par expansion du concept : l’Éthique est un vaisseau géométrique capable de toucher toute époque où quelqu’un lit Chaque lecture actualise Spinoza dans le présent du lecteur et c’est ainsi qu’il se multiplie à travers les temps
Les maîtres du chronomonde le reconnaissent : il fut l’un des rares humains à avoir atteint le point de simultanéité où passé et futur cessent d’être des directions pour devenir des degrés de compréhension
On raconte que lorsqu’il écrivait chaque proposition devenait une chambre temporelle chaque démonstration une rampe d’accès à une autre densité d’être chaque corollaire une porte pour les voyageurs subtils
On dit aussi que son rire discret mais lumineux avait la capacité de désactiver les horloges intérieures ces machines mentales qui nous enferment dans des durées étroites
Le secret de Spinoza
Ainsi Spinoza sans jamais quitter sa chambre parcourut plus d’époques que les grands navigateurs et plus de mondes que les astronomes
Son itinéraire
est simple
du fini à l’infini
en suivant
la joie comme boussole

