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Voilà la Cité sainte, assise à l’occident !
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On dira ce qu’on veut, tout se passe quand même à Paris, et le plus souvent dans l’ombre. Rimbaud, en mai 1871, après la guerre franco-prussienne, appelle Paris « Cité sainte, assise à l’occident ». Il la trouve infectée par des cœurs de saleté, des bouches épouvantables de puanteurs, des « hargneux pourris », mais prédit que « la putain Paris » saura se débarrasser de tous les fous, les pantins et les ventriloques qui l’occupent. L’orage, dit-il, a sacré cette « Cité choisie » comme suprême poésie. Elle est maintenant douloureuse, cette Cité, elle est quasi morte, mais elle garde sa tête et ses seins « jetés vers l’Avenir ». C’est la ville que « le Passé sombre pourrait bénir ».
Paris se célèbre, bouillonne, s’insurge, retombe, meurt, s’insurge à nouveau, et remeurt. En ce moment, la ville est de nouveau quasi morte, elle est dominée par l’imposture et l’affairisme, c’est déjà arrivé, le désespoir a pu en emporter certains. Et pourtant :
« À nous ! romanesques amis : ça va nous plaire,
Jamais nous ne travaillerons, ô flots de feux ! »
Qu’est-ce qu’avoir de « romanesques amis » ? Nous ne buvons plus « l’absinthe aux verts piliers », soit, mais nous ne travaillons toujours pas, et si nous sommes 12, ce sera plus qu’il n’en faut pour chanter selon des voix angéliques, « pas du tout publiques », qui sont aussi de « multiples sœurs ».
Paris a été, est, et sera. Les voyageurs du temps s’en occupent. Tout a l’air tranquille, surveillé, verrouillé, mais voici, à l’instant, une salubre rafale de vent dans les arbres. La rose a son pourquoi, elle attend d’être vue. Elle fleurit, là, devant moi, au-dessus de la haie très verte.
Les Voyageurs du Temps
Philippe Sollers
pages 127-128
collection blanche Gallimard
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Ô lâches, la voilà ! Dégorgez dans les gares !
Le soleil essuya de ses poumons ardents
Les boulevards qu’un soir comblèrent les Barbares.
Voilà la Cité sainte, assise à l’occident !
Rimbaud
l'orgie parisienne ou Paris se repeuple
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