État d’urgence
Des dizaines des centaines de milliers
Les morts les disparus
Et les survivants
cherchent les membres de leur famille à secourir à enterrer
Le malheur n’impressionne qu’en masse
Il faut des chiffres
Sans chiffres rien n’a plus d’existence
Des records
Sans records rien n’a plus d’existence
Pour qu’un événement ait droit de cité il faut
qu’il surpasse tout ce qui est arrivé
Toujours plus
Toujours plus haut
Comme si
les montagnes ne cessaient de s’élever
comme si
les sommets s’étiraient vers le ciel
Mais ce sont des montagnes de morts,
les sommets de l’Enfer
et nous sombrons sous les décombres
On a beau expliquer comment l’onde de choc s’est propagée
Dessiner le trajet au millimètre près
Savoir que des îles se sont déplacées
L’explication vient trop tard
Et elle ne sauve rien
Ils parcourent les plages en murmurant des noms en appelant des maris des enfants des femmes ou des amants des parents des êtres humains au corps solide et chaud mais sans le savoir ils ont déjà renoncé et en voulant y croire ils n’y croient plus
Ils cherchent
Ils entendent des voix
Les chiffres sont encore provisoires.
La mer recouvre les corps les rejette à sa guise
On leur apporte à manger et à boire quand ils voudraient
une vie normale
Une barque de pêcheur
Et retrouver
Un fils perdu
Une femme un mari.
Retrouver
La vie d’avant
Aucune organisation humanitaire ne pourra leur donner.
La vie d’avant
la vie dont ils se plaignaient.
S’ils avaient su
À quel point ils étaient près du bonheur