Joyeux nous regardions le flot battre la rive,Nous creusions des ruisselets dans le sable.Enfin je levai les yeux. Dans la lueur du soirSe dressait le fleuve. Un sentiment sacréMe fit vibrer le coeur et soudain je cessai de badiner,Soudain je me levai, plus grave, laissant nos jeux d'enfantsJe murmurai : prions !Avec crainte nous nous jetâmes à genoux dans les buissons ( 1)....l' hébétude sacrée s'impose à l'âme surprise, cet instant survient lorsque Hölderlin a seize ans, sur les bords du Neckar où il marche avec son frère. La joyeuse communion avec la nature fait alors subitement place à un sentiment supérieur, bien plus profond, plus intérieur, où il n'est plus question de joie ni d'allégresse, mais d'une gravité extatique où s'éveille un état d'esprit fondamental et primordial : ce que l' Ancien Testament appelle la crainte de Dieu - c'est-à-dire le respect du propre statut absolument transcendant du Seigneur, ou encore le respect de la Différence fondamentale, la crainte ou le soin pour la Différence fondamentale, pour qu'elle ne soit pas oubliée ni occultée, biffée, écartée, dispersée...
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In La Vérité Captive - De la philosophie, Maxence Caron, Hölderlin : la piété double P. 450
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(1) Maxence Caron cite Hölderlin d'après l'édition Hellingrath.
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L.A. photographie, les Saisies, janvier 2011