il est l'auteur
de la Logique dynamique du contradictoire
fondée notamment sur la notion
de tiers inclus
cette logique générale
englobant la logique classique comme
un cas particulier
vise à rendre compte du devenir
tri-polaire de la matière-énergie
la matière-énergie macrophysique
la matière-énergie vivante
la matière-énergie psychique
les trois matières
pour reprendre
le titre de son livre le plus célèbre
bien que des penseurs reconnus
se soient inspirés de son œuvre
comme Edgar Morin ou Jacques Demorgon
son influence sur la pensée du xxe siècle
est encore peu étudiée
*
la littérature
est le corpus de tous les récits à travers lesquels
une civilisation
se raconte
tous les textes poétiques et philosophiques
où elle prend conscience
de son propre être et cherche à le transformer
la littérature
est
un organisme vivant
un système dynamique d’antagonismes
dans la littérature alchimique
l’Œuvre
la réalisation de la pierre philosophale
est
un mot
dont le genre masculin et féminin
suggère
une structure polarisante créatrice
l’alchimie nous ouvre la perspective d’
un art radical
dont le niveau de réalité est d’
une tout autre nature que l’art et son contraire
le contre-art
la dialectique lupascienne
l’approche de l’alchimie
à partir de la logique
contradictorielle de Stéphane Lupasco
nous libère de l’herméneutique symbolique
avec laquelle on l’aborde le plus souvent
ici les grands axes
de la philosophie lupascienne
pour Stéphane Lupasco
tout ce que l’on observe
tous les systèmes physiques
biologiques ou issus de l’imagination humaine
n’importe quel phénomène ou événement
résultent d’
un antagonisme d’énergies
la matière
est énergie
et à toute énergie s’oppose
une énergie antagoniste
il faut
un équilibre d’énergies antagonistes
pour qu’apparaisse
un système
le système se modifie
quand l’équilibre se transforme
cette transformation se produit lorsqu’
un pôle d’énergie
s’actualise
se manifeste
au dépend du pôle de l’énergie antagoniste
qui s’en trouve potentialisée
mise en attente de mani-festation
selon la terminologie lupascienne
l’actualisation est le passage d’
un état potentiel
à
un état actuel et inversement
la potentialisation est le passage d’
un état actuel
à
un état potentiel
Lupasco envisage la possibilité d’
un troisième cas
où les énergies antagonistes
s’actualisent et se potentialisent simultanément
il en résulte
un état de contra-diction paroxystique
au sein du système
un troisième état
énergétique de semi-actualisation
et de semi-potentialisation des forces antagonistes
que Lupasco appelle
tiers inclus ou état T
T pour tiers
à ce procès
actualisation/potentialisation
s’adjoint
un processus
d’homo-généisation/hétérogénéisation
en effet si les éléments constitutifs d’
un système sont absolument homogènes
le système disparaît
et inversement
si les élé-ments sont tous hétérogènes
il en résulte
une diversification illimitée
qui entraîne aussi
la disparition du système
il faut donc
que les constituants énergétiques d'
un système soient à la fois et contradictoirement
hétérogènes et homogènes
ainsi
la production littéraire dépend
de deux sources d’inspiration contraires
une force homogénéisante
centripète
en relation avec les notions d’uniformité
de conservation
de permanence
de répétition
de nivellement
de monotonie
d’égalité
de rationalité etc.
et à l’opposé
une force hétérogénéisante centrifuge
en relation avec les notions
de diversité
de différenciation
de changement
de dissemblance
d’inégalité
de variation d’irrationalité etc.
il est évident
que ce point d’équilibre
des deux sources d’inspiration
exerce
une attraction
sur tous les grands écrivains
leurs œuvres prennent en compte
les deux pôles antagonistes
dans des proportions différentes
mais tournent toutes autour de ce foyer
de mise en tension
toute création contient nécessairement à la fois
des éléments littéraires et
contre-littéraires
c’est le quantum antagoniste qui varie
c’est-à-dire le point
de la plus haute tension
entre les antagonismes cons-titutifs de l’œuvre
Lupasco identifie trois orientations énergétiques
qui donnent lieu à
trois matières
1
la matière physique
où prédomine le principe d’homogénéisation
que l’on peut rapprocher de la notion d’entropie
c’est-à-dire de la mort
des systèmes
2
la matière biologique
où prédomine l’hétérogénéisation
que l’on peut rapprocher de la notion d’entropie négative
ou néguentropie
c’est-à-dire de la structuration
de la vie
3
la matière microphysique
nucléaire et psychique
où se produit
un équilibre
entre homogénéisation
macrophysique et hétérogénéisation
biologique
la logique classique aristotélicienne du tiers exclu
ne décrit que la matière physique où règnent
l’homogénéité et la non-contradiction
en ce qui concerne
les matières biologique et microphysique
seule
une logique du contradictoire
s’avère capable de les appréhender
le tiers-inclus et la Pierre philosophale
à laquelle de ces trois matières-là appartiendrait
la materia prima
de la littérature alchimique
?
il semblerait
qu’elle soit de nature biologique.
les alchimistes mé-diévaux
désignaient le sperme par le mot Vitriol
qu’ils lisaient en acrostiche :
Visita
Interiora
Terrae
Rectificando
Invenies
Occultum
Lapidem
Visite l’intérieur de la terre
et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée
ils se référaient ainsi à
la pierre philosophale
qu’il nous faut fabriquer à partir du semen
selon
une transmutation
de notre propre énergie sexuelle
tous
les écrits alchimiques
ne sont que de la littérature
le corpus littéraire alchimique
est le produit de l’imaginaire ou de l’imaginal
si l’on reprend le concept
d’Henri Corbin
ce n’est pas tant le symbolisme de l’alchimie
que le dynamisme propre à l’Œuvre qui nous importe
la compréhension intuitive
de son opérativité
poétique
le processus hermétique
ne peut pas s’appréhender par la logique aristotélicienne
qui repose sur les principes d’identité
de non-contradiction et du tiers exclu
en alchimie l’œuvre se fonde
sur
une logique
du contradictoire
de type lupascien
une dualitude constructive
y remplace la dualité forclusive
de la logique traditionnelle
parallèlement
au travail opératif sur
la matière dans le laboratoire
se déroule
un travail spirituel sur soi
on relève ainsi
une alchimie extérieure
et
une alchimie intérieure
où se reflète le processus créateur
d’
un art radical
l’art hermétique utilise
quatre éléments et trois principes
les quatre éléments représentent
des modalités de la matière
feu eau air terre
ce sont des actualisations
des trois substances
principielles
Souffre Mercure Sel
la vision alchimique repose sur
une anthropologie ternaire
corps-âme-esprit
le Souffre
principe masculin fixe et actif équivaut
à l’esprit
le Mercure
principe féminin volatil et passif
à l’âme.
quant au Sel
à la fois fixe et volatil
il s’identifie au corps
lieu de la rencontre entre les forces antagonistes
du Souffre et du Mercure
au niveau de la dynamique de l’Œuvre
les textes laissent apparaître
un schéma
en trois phases désignées par des couleurs
l’Œuvre commence par la mort alchimique
la dissolution solve des trois principes
de cette première opération
appelée
l’œuvre au noir
il demeure des cendres
qui seront ultérieurement réutilisées
le but
de cette séparation initiale est de permettre
une nouvelle fixation coagula
de l’esprit et de l’âme plus soudée
qu’à l’état naturel
la coagulation transforme le corps
à partir duquel l’Œuvre va pouvoir se développer
cette seconde phase de l’Œuvre est appelée
l’œuvre au blanc
dans l’étape suivante
l’acquisition du Feu l’âme et l’esprit fusionnant
par le Feu
donnent naissance au corps spirituel
on relève ensuite l’acquisition du Mercure
où l’âme et l’esprit
devenus ignescents acquièrent
une forme corporelle spirituelle
puis l’acquisition du Soufre
où il s’agira
de solidifier cette forme corporelle
à partir de la récupération des cendres restantes
de l’œuvre au noir
enfin
le Mariage du Souffre et du Mercure
où le Sel catalyseur réalise
l’union des deux forces antagonistes
alors l’Œuvre est con-sidérée
comme achevée avec l’obtention
de la
Pierre philosophale
les trois dernières phases
sont comprises dans l’opération appelée
l’œuvre au rouge
bien sûr les connaisseurs qui ne sont pas toujours des connaissants pourront nous reprocher cette description chronologique alors que les différentes phases du processus se déroulent simultanément l’imaginaire de l’alchimie ne se situant pas dans la durée mais dans l’espace et même plus précisément dans
un lieu
l’athanor le corps
l’exposition diacritique
du processus alchimique était rendue nécessaire
pour montrer le parallélisme
de la pensée hermétique
avec la dialectique contra-dictorielle
de Stéphane Lupasco
le bouleversement
du mécanisme logique du tiers exclu
celui de l’état de veille
de la conscience profane
constitue la dialectique de l’alchimie
en tant que modèle d’
une dialectique
de l’art radical qui correspond
à l’événement du tiers-inclus
ce bouleversement de la logique rationnelle
évoque le
dérèglement de tous les sens
dont a parlé
Arthur Rimbaud
dans sa célèbre
lettre du voyant
les deux phases du solve et coagula
constitue
une structure polarisante
un système dynamique d’antagonismes
tel que défini par
Lupasco
l’alchimiste
participe et ne participe pas au processus créatif
étant lui-même l’œuvre
à la fois son sujet et
son objet
cette réalité transrationnelle
fait vaciller le principe d’identité de la logique traditionnelle
si
A est A
il ne peut être
non-A
la réfutation
de cet axiome fondamental
de la métaphysique classique
la division
entre sujet et objet,
renvoie à la notion de « niveaux de réalité »
introduite par
Basarab Nicolescu
dans
Nous
la particule et le monde
on retrouve ici les données
de la physique quantique
où le sujet observateur modifie l’objet observé
le principe de non-contradiction
A n’est pas non-A
est lui aussi bafoué dans l’œuvre hermétique
puisque le Souffre et le Mercure
pourtant opposés
sont harmonisés et soudés
par le Sel
les pôles contradictoires du système hermétique
ne coïncident pas à partir d’
une dialectique de type hégélien
le Sel n’est pas
une synthèse qui unirait
une thèse
à
une antithèse
d’ailleurs
les principes alchimiques
ne sont ni des contraires
le Souffre n’est pas le contraire du Mercure
ni des complémentaires
ils constituent
un système de tension d’antagonismes
ce qui transfigure
l’opposition entropique en dualitude créatrice
ce n’est pas la synthèse hégélienne mais
le medium
le Sel
l’art radical et le tiers caché
de même que
le mot composé contre-littérature
n’a pas la même signification que celui écrit en
un seul mot
contrelittérature
le contre-art n’est pas ce que j’appelle
art radical
l’axiome fondamental
de la métaphysique classique
la séparation totale
entre le sujet et l’objet
a été réfutée par
la physique quantique
l’interaction entre le sujet et l’objet
se joue sur
un niveau de réalité autre
que la réalité
du sujet et de l’objet
le physicien
Basarab Nicolescu
a nommé tiers caché ce troisième niveau
de réalité entre le sujet et l’objet
voir Basarab Nicolescu,
le Tiers caché dans les différents domaines de la connaissance
le bois d’Orion 2016
le troisième terme dialectique
le tiers caché
n’est réductible
ni à l’objet ni au sujet
Basarab Nicolescu l’a défini comme
une zone de non-résistance
entre l’objet et le sujet
telle est la différence
entre le tiers inclus et le tiers caché
le tiers inclus est logique
car il se réfère aux contradictoires
A et non-A
situés dans la zone de résistance
tandis que le tiers caché est alogique
car il se situe dans la zone de non résistance
lorsque j’emploie les termes
contre-littérature et contre-art
je me situe
dans la zone de résistance d’
un niveau de réalité
alors que le mot contrelittérature
s’identifie à l’art radical situé
dans la zone de non-résistance
on pourrait assimiler
le tiers caché au metaxu de Platon
qui signifie
intervalle
ce qui est
entre
l’intermédiaire
qui sépare mais peut aussi relier
Simone Weil
qui reprend ce terme à Platon
donne l’exemple du mur d’
une prison
qui sépare deux prisonniers
mais qu’ils peuvent utiliser
pour communiquer entre eux par des coups frappés
le mur les sépare et les relie à la fois
comme le sel alchimique
le tiers caché
ou le tiers secrètement inclus
pour reprendre la dénomination poétique
de Michel Camus
est le principe
qui fonde et unit les contradictions
le symbole des symboles
lorsque deux êtres
s’aiment
ils donnent lieu à Dieu
Dieu est le lieu
de leur mise en relation
il est le metaxu
le tiers caché
du niveau de réalité divino-humain
Dieu est
le lieu de l’art radical