Brutalisation. L'évolution vers le massacre industriel...
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L'enjeu patriotique des guerres les conduirait à une recherche de la victoire à tout prix , aux prix des horreurs accumulées et couvertes par la propagande. De la sorte le massacre de grandes masses de mobilisés de 1914-1918, puis de 1939-1945, sans oublier les populations civiles, trouverait sa source dans le principe de la guerre nationale impliquant le sacrifice consenti des citoyens. Une guerre livrée pour la première fois à l'Europe par les armées de la révolution française. L'exécution de Louis XVI aurait selon Mosse, rendu cette guerre inexorable.
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On peut ne pas suivre aveuglément l'historien américain dans les prémices d'une analyse qui n'a pour but que de dénoncer avec de justes raisons la sacralisation de la guerre et le développement du culte du héros mort qui envahit l'Europe de 1919 à 1939, permettant ainsi, entre beaucoup d'autres facteurs, la reprise des hostilités. Il reste que les combats de la Première Guerre mondiale ont exhibé la brutalité jusqu'au-boutiste de la guerre " nationale ", même si les moyens de destruction massive débordaient très largement, et dés le départ, l'emploi des armes blanches. La " brutalisation " va beaucoup plus loin que la simple horreur des corps à corps des tranchées. Elle tient au fait que l'on estime indispensable et comme inévitable l'ensevelissement, l'anéantissement, la défiguration, la déshumanisation de millions d'hommes sous un déluge de feu
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La survie, la mort, l'oubli. Les combattants ne se comprennent qu'entre-eux, parce qu'ils ont vécu l'indicible. Seuls les très grands écrivains, Genevoix, Dorgelès, Jünger, ont pu reconstituer avec des mots la peur viscérale, celle qui fait revenir au cri originel, quand tombe l'apocalypse qui précède les grandes offensives.
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Le regard à la fois sauvage et traqué, toujours aux aguets, le visage immobile des hommes de l'avant en disent long sur les souffrances subies et les peurs réprimées. Ces hommes ne sont pas nos aïeux lointains, ils restent nos frères, ils ont vécu ce que nous aurions pu vivre. Ils ont droit à toute notre attention.
source
Pierre Miquel,
Les poilus,
le Carnage de la Grande Guerre
Plon
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