Claude Monet
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Texte, composition,
Philippe Sollers,
Fleurs, Hermann Littérature.
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Angelus Silesius, gloire de ce qu'on s'obstine à appeler la Contre-Réforme, alors qu'il s'agit d'une révolution catholique irradiant l'énorme floraison du baroque, écrit dans son Pèlerin Chérubinique :
" Dieu fleurit en ses branches
Si tu né de Dieu, Dieu fleurit en toi,
Et sa divinité est ta sève et ta parure."
Et aussi :
" la rose qu'ici voit ton oeil extérieur,
Fleurit ainsi en Dieu depuis l'éternité."
Et encore :
" Qui décore les lys ? Qui nourrit les narcisses ?
Alors, pourquoi tant t'inquiéter de toi ? "
Et encore :
" C'est maintenant qu'il faut fleurir,
Fleuris, chrétien glacé, voici le mois de mai,
Fleuris sur le champs, ou sois mort à jamais."
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Le christianisme était donc pris dans les glaces ? Il connaît des périodes de frigidité ? Il croit savoir ce qu'il est, donc il se fane ?
" Je ne sais pas ce que je suis, je ne suis pas ce que je sais ;
Une chose sans être une chose, un point et un cercle."
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Ici, le néant intervient, et même " le surnéant", le néant essentiel où s'abrite la richesse abyssale de l'être, comme le dira Heidegger. Et c'est le célèbre :
" La rose est sans pourquoi, fleurit parce qu'elle fleurit,
Sans intention à elle même, sans demande d'être vue."
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Gratuité absolue du Néant, de Dieu, de la Rose : il faudrait vivre selon cette foi, mais ne rêvons pas.
Insistons seulement sur le fait que la fleur ne demande ni à être vue ni a être photographiée ou filmée. La fleur n'est pas médiatique. C'est d'ailleurs, encore et toujours de gratuité que nous parle la prédication évangélique : on ne peut pas servir Dieu et l'argent, la vie est plus importante que la nourriture, le corps que le vêtement, prenez donc exemple sur les oiseaux et les lys des champs : " observez les lys des champs, ils ne peinent ni ne filent, or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'un deux. Que Dieu habille de la sorte l'herbe des champs, qui est aujourd'hui, et demain sera jetée au four, ne fera-t-il pas bien plus pour vous, gens de peu de foi ! " ( Matthieu VI, 28-30, et Luc XII, 27-29).
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Paroles probablement de plus en plus inaudibles. Dieu vous demande d'être comme des oiseaux ou des fleurs ? Et puis quoi encore ? D'être en pure perte pour le seul plaisir d'être ? Quelle légèreté ! Quelle désinvolture ! Quelle superficialité ! Quelle irresponsabilité !
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Quelques peintres ont atteint le "sans pourquoi". Et puis, de temps en temps (mais c'est peut-être toujours le même), un poète.
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