les mêmes
qui leur ont ôté les yeux reprochent au peuple
d'être aveugle
*
le
paradis perdu
de
John Milton
l’esprit est à soi-même sa propre demeure
il peut faire en soi
un Ciel de l’Enfer
un Enfer du Ciel
*
quoiqu'il puisse arriver mon destin est le tien
je veux avec toi périr ou être sauvé
si la mort t'attend alors la mort est ma vie
je sens tant en moi la nature qui nous unit
je m'attache à moi-même en m'attachant à toi
rien ne peut nous séparer
nos êtres ne font qu'
un
ton corps est le mien et ta mort sera la mienne
*
celui qui a vaincu par la force
n'a vaincu qu'à moitié
son ennemi
nombreux
sont ceux qui s'occupent de circonstances
rares ceux qui remontent
aux principes
***
Bentley prétend que Milton étant aveugle les éditeurs ont introduit
dans le Paradis perdu des interpolations qu’il n’a pas connues
c’est peut-être aller loin
mais il est certain que la cécité du chantre d’Éden
a pu nuire à la correction de son ouvrage
le poète composait la nuit
quand il avait fait quelques vers
il sonnait
sa fille ou sa femme descendait
il dictait
ce premier jet
qu’il oubliait nécessairement bientôt après
restait à peu près tel qu’il était sorti de son génie
le poème fut ainsi conduit à sa fin par inspirations et par dictées
l’auteur ne put en revoir l’ensemble ni sur le manuscrit ni sur les épreuves
or il y a des négligences
des répétitions de mots
des cacophonies qu’on n’aperçoit
et pour ainsi dire
qu’on n’entend qu’avec l’œil
en parcourant les épreuves
Milton isolé
sans assistance
sans secours
presque sans amis
était obligé de faire tous les changements dans son esprit
et de relire son poème d’un bout à l’autre dans sa mémoire
quel prodigieux effort de souvenir !
et combien de fautes ont dû lui échapper !
*
loin de ces fleuves
un lent et silencieux courant
le Léthé
fleuve d'oubli
déroule son labyrinthe humide
qui boit de son eau
oublie
sur−le−champ
son premier état et son existence
oublie
à la fois la joie et la douleur
le plaisir et la peine