Pôle Nord
il est possible d'y implanter
une maison
ayant toutes ses faces donnant vers le sud
!
le domaine aérien sortit de son nombril
de sa tête le ciel évolua
de ses pieds la terre
de son oreille les orients
ainsi furent réglés les mondes
Lionel André / promenades / randonnées / arts / littératures / air du temps
L’Histoire
ça n’existe pas
il n’y a que des histoires
y compris au sens où l’on dit familièrement :
Tout ça
ce sont des histoires…
Souvenirs doublés d’oublis, parcellaires et chaotiques comme tout ce qui émane des cervelles humaines. Récits. Archives – lesquelles ne sont que des histoires tamponnées d’une date précise. Publications. Polémiques. Images – lesquelles ne sont que des reflets fragmentaires et figés de la vie vécue, dénués a priori d’autre sens que celui, purement technique, de leur cadrage (borné, par définition) ; contrairement aux mots qui vivent en secret de toutes les significations qui les ont imprégnés au cours des siècles, les images sont mortes et muettes, leurs significations leur sont toujours attribuées de l’extérieur, y compris par ce type particulier d’histoires qu’est la technique du montage des images et du son.
Or
l’immense majorité
des histoires est toujours teintée
voire imbibée
d’idéologie
Une idéologie, quelle qu’elle soit, est un système dogmatique plus ou moins élaboré – parfois très élaboré – d’associations d’idées réflexes et répétitives qui s’appliquent uniformément à toutes les situations humaines que ce système décide, à partir de ses propres présupposés souvent inconscients, de confondre, d’associer, ou d’opposer…
Le problème avec les histoires, c’est qu’elles méconnaissent les abyssales turbulences régissant les vies des hommes, leurs existences, leurs actes, leurs pensées, leurs drames et leurs extases, toute cette trame arbitraire, indémêlable, infiniment complexe, que des esprits paresseux qualifient d’« Histoire » et à laquelle ils s’imaginent assister comme, depuis un fauteuil molletonné, des spectateurs à une séance de cinéma.
Quant à ce qui arrive en ce moment en Israël, à Gaza, en France et ailleurs – ce qu’on appelle l’« Actualité » –, il en va de même que l’Histoire.
L’Actualité
ce n’est que l’Histoire
qui n’existe pas
en train de ne pas avoir lieu
Stéphane Zagdanski
nodosités sur racines de soja
la complexité
de la philosophie n'est pas celle de sa matière mais celle
des nodosités de notre entendement
*
les nodosités ou nodules sont l'expression d'une symbiose rhizobienne se formant sur les racines de nombreuses espèces de plantes notamment les Fabacées sous l'action de bactéries dont les genres Rhizobium et Bradyrhizobium
ces rhizobia vivent en symbiose avec la plante colonisée
les nodosités élaborées par l'actinomycète du genre Frankia sont appelées actinorhizes
dans cette association symbiotique la plante fournit les substances carbonées et les bactéries les substances azotées synthétisées à partir de l'azote atmosphérique
cette symbiose permet à la plante de fixer l'azote atmosphérique grâce à l'enzyme nitrogénase synthétisée par la bactérie et dont les plantes eucaryotes sont dépourvues
aujourd'hui 27 mai
fin de la nuit 03:28 il y a 11h40m
aube nautique 04:28 il y a 10h40m
aube 05:16 il y a 9h53m
fin de l'heure bleue 05:30 il y a 9h30m
lever du soleil 05:52 il y a 9h18m
fin de lever de soleil 05:56 il y a 9h14m
fin de l'heure dorée 06:37 il y a 8h34m
midi 13:32 il y a 8h34
début de l'heure dorée 20:27 dans 5h15m
début du coucher du soleil 21:08 dans 5h56m
coucher du soleil 21:12 dans 5h58m
début de l'heure bleue 21:34 dans 6h20m
crépuscule 21:49 dans 6h34m
crépuscule nautique 22:36 dans 7h21m
nuit 23:36 dans 8h22m
visite nocturne
violente averse
reste droit et attends le soleil
lumière poudreuse oblique
lectures visions écoutes rêves
tout est possible
et à toute vitesse
par élimination
demandons-nous
comment nous y sommes
dans cette vie
la théorie des agrégats
cherche à saisir l'infini d'une manière plus générale
que la théorie des consignes
la théorie des agrégats
en quelque sortes achète chat en poche
s'agence l'infini
dans cette caisse comme il l'entend
*
combien de grains de sable font-ils
un tas
?
IL Y A
tas pour tout groupe de plus de cent grains
et moins de dix grains
ne saurait faire
un tas
*
elle dit que
l'infini réel n'est absolument pas
susceptible d'être appréhendé
par le symbolisme arithmétique
et qu'il peut donc n'être
que décrit
non re-présenté
la description s'en saisirait un peu comme
on porte emballées dans
une caisse
un ensemble de choses
que l'on ne peut tenir dans les mains
elles sont alors invisibles et cependant
nous savons que nous les portons
pour ainsi dire indirectement
peut-être oui
oui peut-être chaque année
à tout moment
des montagnes et des falaises
aujourd'hui
les montagnes ne sont pas encore venues
il y a quelques jours
l'eau était rouge très rouge
et épaisse très épaisse
quelque chose comme de la poussière
aujourd'hui
les montagnes ne sont plus là
elles ne sont pas venues
elles ne sont pas encore venues aujourd'hui
la sculpture
témoigne millénairement
de la genèse anthropologique
de l’expérience
menhirs
statues levées autant de jalons
de l’ascension humaine vers son hominisation
sa quête de savoir
de spiritualité et de jouissance
silhouette d’homme à son image
et signe phallique
en deçà
gît la matière ou le magma
la masse… est primitive
aussi fondamentale que le temps et l’espace
la physique le sait
puisqu’elle en fait ses trois dimensions premières
la métaphysique
traditionnelle n’en connaît que deux sur trois
l’espace et le temps
il faut commencer par la masse
les Latins appelaient masse l’amas ou le tas
du mot grec qui signifie
la pâte qu’on pétrit
avant la cuisson de la galette
ou du vase individués
le verbe grec
correspondant dit l’action de pétrir
de masser
Dieu massa
le premier homme
dans la glaise et créa la statue de
l’Eve première
une volée de noms
Russie Amérique Suisse
cosmopolitisme virtuosité érotisme jeu
cryptage labyrinthe
échecs
lépidoptères…
les adjectifs se pressent
polyglotte
flamboyant provocateur scabreux
amoral enchanteur esthète
synesthète…
les premières fois qu’il rêva d’elle la réitération de ce contact si léger si bref faisait obstinément succomber son endurance et déchaînait telle une épée brandie la salve salvatrice
une source de frénésie
une fureur de la chair
une irritation insatiable…
le feu que tu as allumé a laissé son empreinte sur le point le plus vulnérable le plus pervers le plus sensible de mon corps Aujourd’hui il faut que j’expie l’excès de vigueur prématurée avec lequel tu as raclé la rouge écorchure comme le bois calciné doit expier d’être passé par sa flamme
le véritable écrivain
devrait ignorer tous les lecteurs
sauf un
celui de l’avenir qui
à son tour
n’est nul autre que l’auteur réfléchi
dans le temps
sa vie fait
une fine torture
dans l’écoulement des difficultés...
intoxiquée de souvenirs
elle ferme les yeux
puis le calme
revient
comprendre au fur et à mesure l’écoulement
par le filtre de la conscience
avec la mémoire
pour guide
elle est droite dans la
pierre
elle interroge le déploiement
des ailes
chaque fois
une nouvelle fixité
durées et conditions sont ce qu'elle découvrira
quand l’avenir
se rue vers nous avec le désert aux trousses
mieux vaut sentir
dans son dos l’aubépine
plutôt qu’
un mur de certitudes
Pierre Lieutaghi
la plante compagne
pratique et imaginaire de la flore sauvage
en Europe occidentale
un sentier pierreux
au berceau des nuages blancs
il mène à des maisons
Du Mu
jeux de montagnes et d'eaux
*
les loups
sont faits de la même poussière que nous
respirent aux mêmes vents
boivent la même eau
rien
n’était plus désintéressé et plus heureux que les rêves offerts à mon imagination par chaque pièce annoncée et qui étaient conditionnés à la fois par les images inséparables des mots qui en composaient le titre et aussi de la couleur des affiches encore humides et boursouflées de colle sur lesquelles il se détachait
il y a
de la
foudre à venir
un son qui se rattache à la mosaïque
un rythme des yeux presque linéaire
un regard qui traverse la trame
une ligne blanche
en souligne la vitesse
la main
n’hésite pas à se saisir de ce léger
balancement qui se voudrait
définitif
quand aux yeux
on ne cherche pas à les affaiblir
mais à les reposer pour qu'ils fonctionnent
toute la vie
les yeux ne veulent pas souffrir mille morts
une famille de langues
ne résout rien
un poète n'est aucunement surpris
par la science
la cheville fragile
et si parfaite retient le bruit sourd
d’
un moteur qui s’éloigne
cette musique en tête
trace telle ou telle ligne
et les lignes se rencontrent par hasard ou à dessein
un geste
d’
un sentiment
une nuit
il y a
une masse
inquiétante qui répond à
son nom
chair
solidifiée dans la
trace innommée du verbe
ce qui est caché dispose de l'imagination
et le corps l'emporte sur
une nature
qui semble se contrarier
il y a
bien des choses
que font les somnambules
et qu'ils n'oseraient faire éveillés
nous sommes
les particules humaines
de cette onde dans la ville
les racines
ne voyagent pas ensemble
mais dans des directions différentes
elles sont
des exploratrices solitaires
apercevoir
pénétrer
saisir
connaître
entendre
sentir
voir
discerner
découvrir
toucher
appréhender
prendre
deviner
gagner
concevoir
encaisser
recevoir
remarquer
ramasser
pressentir
entrevoir
éprouver
tirer
retirer
recueillir
distinguer
écouter
se rendre compte
prélever
lever
empocher
déceler
flairer
ouïr
palper
recouvrer
soutirer
*
ouvrez les oreilles...
écoutez
ça ne manque pas de souffle
une langue raison une langue légion une langue dieu dans les langues une langue feu ou à sable une pentecôte et une à litote une langue plaisir et une à gémir une langue beau temps mauvais temps une langue pour tous les temps
Le jour de la Pentecôte ils étaient tous ensemble
dans le même lieu
Tout à coup il vint du ciel
un bruit comme celui d’
un vent impétueux
il remplit toute la maison où ils étaient assis
Des langues
semblables à des langues de feu
leur apparurent séparées les unes des autres
et se posèrent sur chacun d’eux
Ils furent tous remplis du Saint Esprit
et se mirent à parler en d’autres langues
selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer
Or il y avait en séjour à Jérusalem
des Juifs hommes pieux
de toutes les nations qui sont sous le ciel
Au bruit qui eut lieu la multitude accourut
elle fut confondue parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue
Ils étaient tous dans l’étonnement et la surprise
ils se disaient les uns aux autres
Parthes Mèdes Élamites ceux qui habitent la Mésopotamie la Judée la Cappadoce le Pont l’Asie la Phrygie la Pamphylie l’Égypte le territoire de la Libye voisine de Cyrène et ceux qui sont venus de Rome Juifs et prosélytes Crétois et Arabes comment les entendons-nous parler dans nos langues des merveilles de Dieu
?
je trouvais de telles phrases dans l’œuvre d’un autre c’est-à-dire sans plus avoir de scrupules de sévérité sans avoir à me tourmenter je me laissais enfin aller avec délices au goût que j’avais pour elles comme un cuisinier qui pour une fois où il n’a pas à faire la cuisine trouve enfin le temps d’être gourmand
cuisiner
une exploration aléatoire
quelques repères
quelques idées
et toute la poésie du moment
pour le plaisir
la feuille de nori est cette plaque d'algues déshydratées vertes ou noires qu'on retrouve dans la cuisine japonaise et qu'on utilise généralement pour confectionner des makis Il s'agit d'algues rouges comestibles qui sont lavées broyées puis disposées en fines couches pour créer des feuilles d'algues
l’éclat
mais non la clarté
un peu de vent
fait envoler
contre
le ciel blanchissant
l'esprit d'un homme peut faire bouger
les autres corps de mille façons
l’agencement des pierres et des sons
vient régir ce domaine
la poétique est informée elle informe
disons informe tout court
quand au reste faut voir
de la pierre à l’humain
courir dans la vase ralentir le corps
une infinité de choses infiniment variées
suivent la divine nature
en étant comme ça
au centre de la vitre
un cercle fixe le jour
il peut ainsi accomplir
ce qui résulte de sa nature
elle ignore sa fin
elle est digne d'éloge
pas la peine de développer
ce n’est pas
l’ouverture d’une phrase mais son
inaccomplissement
la poitrine
s’émeut d’une telle force qui
perturbe le bruissement de l’eau
flottement alphabétique d’
un geste enfoui
le corps humain a besoin de nombreux corps
pour être disons le régénérer
L’usage et les attributs du coeur est une exploration minutieuse des états d’émotion dans la langue et à travers l’écriture des mots. Le lyrisme du poème n’est pas dans l’ivresse du langage mais plutôt dans la dépossession, l’absence à soi-même, les jeux aléatoires de la langue. Mais la question est toujours la même : le récit possible du réel. Le récit et son énigme quand il a recours au vers, au poème. Le livre se fait enquête perpétuelle. L’auteur réunit des indices. Et à l’intérieur des failles, qui sont aussi une architecture, il esquisse une fable. Il s’agit en réalité d’un seul texte, et non simplement une suite de poèmes. D’une histoire à naître, à découvrir. Le vers est un miroir. Il se reflète et se transporte dans un autre poème sans pour autant perdre son identité. D’où cette attention aux petits mots de la langue, aux articulations, aux prépositions qui détournent le « courant » et permettent ainsi au poème de se reformer dans un espace inédit. Les mots du poète sont autant de stigmates d’une langue en quête du monde, des émotions, des « attributs du coeur ». Logique du moindre, de l’imperceptible, de l’accidentel.
c’est alors que se pose la question
de la naissance
de l’anatomie
c’est-à-dire
l’action de couper pour voir
Jackie Pigeaud
*
LUELADC
Henri Matisse
Nu aux oranges
1952
Être là
Être là
simplement là est sa préoccupation constante
sa boussole est d’être là
une voix
prononce distinctement
les dieux sont là
ou
le dieu est là
le dieu ou la déesse s’appelle là
Être là
c’est en effet la question
la seule
lorsque l’oreille écoute clairement
et que l' œil regarde de façon pénétrante
cela s’appelle
l’ illumination