Achille et la tortue
lecture existentielle et métaphysique
le paradoxe
d’Achille et la tortue formulé par Zénon
dit ceci
le plus rapide
ne rattrape jamais
le plus lent
car il doit toujours atteindre
un point où l’autre n’est déjà plus
classiquement les mathématiques résolvent le paradoxe
mais existentiellement
il reste intact
Le temps comme poursuite
Achille
c’est la volonté
le projet
l’élan
la tortue
c’est le sens
la vérité
la complétude
Achille court vers
quelque chose qu’il imagine devant lui
le bonheur la réussite l’accomplissement l’illumination
mais à chaque étape
le but recule
Le sens est toujours
un peu plus loin que l’instant présent
Existentiellement
nous ne manquons pas
de vitesse
nous manquons
de présence
Le piège de la projection
Achille
perd parce qu’il pense le sens comme
un objet à atteindre
il se projette dans l’avenir
découpe sa vie en étapes
transforme le présent en simple moyen
La tortue
avance lentement parce qu’elle
ne poursuit rien
elle est déjà
là où elle
est
elle n’a pas à rattraper
sa propre
existence
Le retournement
le paradoxe se résout existentiellement
au moment du
retournement de la sphère
Achille
cesse de courir vers la tortue
et comprend que
la course elle-même est le lieu du sens
le problème n’était pas la distance
mais l’illusion
qu’il y avait quelque chose à rejoindre
le sens
n’est pas devant
il est dans la manière de marcher
Achille et la tortue nous disent
courir plus vite
n’amène pas plus près
diviser la vie en objectifs infiniment petits
épuise
le présent n’est pas une étape mais
un lieu
La tortue
ne gagne pas parce qu’elle est lente
mais parce qu’elle n’est pas séparée de son pas
Achille ne perd pas parce qu’il est rapide
mais parce qu’il a cru que vivre
c’était rattraper
quelque chose
*
Être-au-monde
ce n’est pas être posé dans un décor
ce n’est pas un sujet ici et un monde là-bas
c’est déjà être pris engagé concerné avant toute pensée
avant toute distance
le monde n’est pas ce que je regarde
il est ce dans quoi je me tiens
ce qui m’atteint et me traverse
et je ne suis pas un observateur
mais une ouverture
un lieu
où les choses comptent
où elles importent
où elles ont du poids et de l’appel
et exister ce n’est pas être présent comme une chose
mais être exposé jeté
vers des possibilités toujours en avance sur moi
et le temps n’est pas une ligne
mais une tension
et comprendre ce n’est pas expliquer
mais se tenir lucidement
dans cette ouverture fragile et finie
où le monde advient en même temps que moi
*
Le zen
ne cherche rien
n’explique rien
n’ajoute rien
il s’assoit là où il est
et laisse tomber les questions
comme des feuilles
le monde n’est pas un problème à résoudre
mais un geste à accomplir
boire le thé
marcher respirer
et dans cet instant
sans commentaire
sans attente
sans but
il n’y a plus de dedans
ni de dehors
plus de sujet face à l’objet
seulement l’acte nu
et quand la pensée
cesse de courir après le sens
le sens cesse de fuir
et ce qui reste
n’est ni vide
ni plein
mais simplement
ainsi
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