André du Bouchet
non pas un poète du monde
mais un voyageur du temps arrêté
allant dans l’épaisseur des instants
comme on franchit un ciel trop proche
Il marche dans les siècles sans les parcourir
il les fend
comme on fend l’air avec le front
à travers un blanc qui brûle
Son pas ne mesure pas la distance il mesure la déchirure
par laquelle le réel se laisse entrevoir
à même la pierre
le vent
la page encore froide
Du Bouchet avance dans un temps qui ne déroule rien
mais se ramasse autour de lui
en éclats de lumière
en blocs d’air
en secondes compactes
où tout pèse soudain plus lourd
Voyageur d’un temps sans ligne il n’habite pas l’avant ou l’après
il habite cette arête
ce point vif
où le monde apparaît
comme s’il venait d’être créé
où la langue n’a pas encore trouvé
sa propre respiration
Il recueille ce qui va trop vite pour être vu
et ce qui demeure trop lent
pour être pensé
Le poème devient alors le passage où ces vitesses contraires
se rencontrent sans se rejoindre
Du Bouchet marche dans un présent
qui n’existe que par fragments
et chaque fragment
est un monde entier
poussière d’absolu
paupière de lumière
pierre qui garde le souffle
Portrait du poète un homme debout dans le vent
qui laisse le temps glisser
entre ses doigts ouverts
pour n’en garder qu’un éclat
assez pour tenir
assez pour brûler
*
poète
SCRIBE DE L’ÉCLAIRCIE
constructeur d’yeux dans la lumière
il écrit non pas pour raconter mais pour ouvrir
il taille dans le réel des fenêtres instantanées
on lit ses phrases comme on marche dans un rayon de soleil
c’est un architecte du clair

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