les forêts avalent presque tout
elles absorbent la pensée la fatigue la mémoire et le bruit du monde il suffit de marcher un peu pour sentir que les contours se dissolvent dans l’air que les arbres se chargent de ce qu’on ne sait plus dire la terre aspire les pas comme si elle voulait nous rendre anonymes la forêt efface la chronologie
le temps se plie dans la mousse et la lumière se déplie sur les pierres chaque souffle devient une idée qui s’effrite aussitôt qu’elle se forme rien ne reste stable ici tout s’engloutit dans la lenteur du vivant
on ne sait plus ce qui commence ni ce qui finit les troncs se répondent les feuilles parlent entre elles et dans ce murmure on sent que le moi devient une poussière tranquille
les forêts avalent presque tout
les gestes les mots les raisons il ne reste qu’une continuité sans nom un long glissement d’être où penser n’est plus nécessaire seulement traverser et être traversé par le vent par la pluie par l'ocre qui avale doucement jusqu’à la voix intérieure qui croyait encore décrire

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