Il est donné à celui-là ( l'homme de solitude ) de reconnaître que toute beauté, chez les animaux comme chez les plantes, est une forme durable et nue de l'amour et du désir. Il voit les animaux et les plantes s'accoupler, se multiplier et croître, avec patience et docilité, non pour servir la loi du plaisir ou de la souffrance, mais une loi qui dépasse plaisir et souffrance et l'emporte sur toute volonté ou résistance. Fasse que ce mystère, dont la terre est pleine jusque dans ses moindres choses, l'homme le recueille avec plus d'humilité : qu'il le porte, qu'il le supporte plus gravement ! Au lieu de le prendre à la légère, qu'il ressente combien il est lourd ! Qu'il ait le culte de sa fécondité. Qu'elle soit de la chair ou de l'esprit, la fécondité est "une" : car l'oeuvre de l'esprit procède de l'oeuvre de chair et partage sa nature. Elle n'est que la reproduction en quelque sorte plus mystérieuse, plus pleine d'extase, plus " éternelle" de l'oeuvre charnelle
.
Rainer-Maria RilkeLettre à un jeune poète
traduit de l'allemand par Bernard Grasset et Rainer Biemel
les cahiers rouges, BG.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire