inquiétante étrangeté
on sait que dans son célèbre article éponyme Das Unheimliche Freud affirme qu’elle appartient à un domaine particulier de l’esthétique où prédominent l’angoisse et l’épouvante quand elles surviennent au sein de ce qui était depuis longtemps familier
il la relie aussi aux choses aux situations aux événements dans lesquels nous repérons quelque chose qui se répète
le facteur de répétition imprime le sceau de l’inquiétante étrangeté à quelque chose qui serait sans cela anodin et nous impose l’idée d’une fatalité inéluctable là où nous n’aurions parlé sans cela que de hasard
de là à tirer de ces phénomènes une signification probante il n’y a qu’un pas volontiers franchi nous dit Freud par les névrosés obsessionnels
et dans un domaine bien particulier celui de nos relations à la mort aux cadavres aux esprits aux fantômes
il est clair que pour l’inventeur de la psychanalyse s’il est un signe d’infantilité qui domine la vie des névrosés en proie à la toute-puissance des pensées c’est bien d’accentuer à ce point la réalité psychique par rapport à la réalité matérielle
et pourquoi pas
ai-je souvent eu envie de lui répondre
la vie n’est-elle pas remplie de coïncidences et pas seulement dans les rêves
de dates de lieux de rencontres
d’événements auxquels nous n’accordons aucun sens et que nous négligeons de relier entre eux
des synchronicités pour parler comme Jung qui définissait ainsi la survenue de deux événements concomitants sans relation de causalité possédant une signification pour l’observateur
alors qu’y prêter attention et les interpréter vous rend vite coupable de céder aux sirènes de l’irrationnel du surnaturel des puissances occultes voire de la superstition et de la bêtise les ignorer ou les négliger est à mon avis un grand tort
rien n’est plus enchanteur que ces phénomènes parallèles qui nourrissent l’intuition que notre existence n’est pas complètement le produit d’un chaos aléatoire d’une contingence arbitraire
voire l’idée un peu folle qu’elle possède un sens qu’il nous serait loisible de déchiffrer à travers les coups du sort ou de ce qu’on appelle pompeusement le destin
il suffit de se rendre consciemment attentif à certains surgissements d’êtres et de choses
à ce qui se répète insiste revient ne veut pas nous lâcher insiste mieux revient encore
il peut s’agir de chiffres et de saisons
d’apparitions d’êtres de chair et d’os
est-ce infantile comme le pensait Freud
je ne crois pas
enfantin
peut-être
et donc aussi créatif que gratuit
en dépit de ses dehors confus parfois illogiques de son désordre apparent n’est-il pas tentant et même excitant de donner sens à la trame existentielle qui est la nôtre et qui, si nous l’étudions bien l’interprétons correctement la méditons à fond, nous apparaîtra alors justifiée
semblable à un air bien connu à une mélodie dont nous avons appris à repérer les thèmes principaux et les leitmotivs il ne sera alors pas dit que notre vie s’est déroulée n’importe comment
sans rien y comprendre
à l’aveugle
pour rien
il ne sera donc pas dit non plus qu’elle n’a pas été merveilleuse et donc belle au sens surréaliste du terme
si nombreux sont les êtres qui n’y prêtant aucune attention se contentent faute d’exister de cet abrutissement qui s’appelle vivre il me semble avoir atteint l’âge où il devient possible de retourner la trame embrouillée du tapis pour découvrir enfin ses motifs
s’élucider soi-même à travers les méandres de sa propre trajectoire implique nécessairement de remonter le cours du Temps comme on le ferait d’un fleuve
sachant que l’existence est à certains égards labyrinthique, remplie d’épreuves et d’épiphanies en attente de déchiffrement le
connais-toi toi-même
socratique
deviens qui tu es
nietzschéen
FS.CG.
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