la frêle chronologie de notre ère touche à son terme
merci pour ce qui a été
je me suis trompé
je me suis égaré
j'ai perdu le compte
et notre ère vibrait comme une sphère d'or
Ossip avance
silhouette effilée dans la trame vibrante des siècles son manteau de poète pris dans un tourbillon d’époques et chaque pas qu’il fait soulève des poussières d’Alexandrie des éclats de Rome des étincelles de Leningrad endormie il marche comme on traverse un poème trop vaste pour tenir dans une seule respiration un voyageur du temps dont les poches sont remplies de métaphores encore tièdes ramassées au détour d’un futur improbable ou d’un passé qui refuse de mourir, et son regard un peu grave un peu brûlé scrute les constellations comme on lit les marges d’un texte ancien il y voit la preuve que tout recommence que les mots ne s’usent pas que les siècles sont des chambres d’écho pour les voix têtues et lui Mandelstam s’y glisse passe entre les mailles du temps comme un nageur dans une eau trop claire laissant derrière lui le sillage d’une phrase inachevée une plainte de neige ou de feu on ne sait plus car le temps l’a broyée et recousue et lui continue toujours tendu vers l’horizon de la prochaine strophe de la prochaine ville qui n’existe pas encore ses mains tremblant légèrement du poids des mots qui veulent naître et quand il ouvre la bouche ce n’est plus un poète de chair qui parle mais une polyphonie d’époques qui se répondent un chant de pierres de révoltes de pas rapides sur les trottoirs de l’histoire un flux qui s’enroule et se déroule qui roule et déferle emportant avec lui les murs les règnes les hivers trop longs et Mandelstam voyageur du temps marche encore porté par la certitude fragile que seul le poème traverse tout les années les gouffres les hommes et qu’en retour lui ne fait que suivre la direction du vent des mots ce vent qui ne connaît ni frontières ni finales juste le mouvement éternel du verbe en train de naître
OSSIP
AGENT OMBRE-LUMIÈRE
décodeur des signes dans l’air
décodeur des signes dans l’air
il sait écouter ce que le monde chuchote dans ses pulsations secrètes
entre ombre et lumière
il traduit les vibrations du jour
rien ne lui échappe
il lit les trajectoires invisibles
les lèvres de l'homme
quand elles n'ont plus rien à dire
gardent la forme de la dernière parole prononcée

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