Thomas Samuel Kuhn
mobilise l’histoire des sciences afin d’expliquer la dynamique des sciences non plus d’un point de vue uniquement cognitif mais en tenant compte de facteurs sociaux
si Kuhn n’est pas le seul ni le premier à avoir tenu cette position c’est son ouvrage majeur La Structure des révolutions scientifiques paru en 1962 qui est généralement considéré comme emblématique et véritablement fondateur de cette approche
il y développe la thèse d’une science progressant de manière fondamentalement discontinue c’est-à-dire non par accumulation mais par rupture
ces ruptures appelées révolutions scientifiques sont selon Kuhn analogues à un renversement des représentations des savants ce que les psychologues de la perception appellent un gestalt switch
pour illustrer ce basculement il emprunte entre autres l’exemple du canard lapin à Wittgenstein
selon le regard posé sur ce dessin on y reconnaît alternativement le profil d’un canard ou d’un lapin
Kuhn transpose ce phénomène à la science
à un instant t correspondant à un état particulier des croyances sociales porteuses d’un point de vue sur la nature le scientifique a une représentation théorique particulière du monde
celle-ci change dès que le point de vue se modifie car on ne peut plus revenir en arrière
Kuhn nie l'existence d'un point de vue neutre ou objectif car le paradigme est incommensurable
les facteurs influençant les points de vue des scientifiques peuvent être modélisés et analysés par l’épistémologie : il s’agit essentiellement des crises résultant d’une mise en échec fondamentale du cadre scientifique en place, incapable de fournir les outils théoriques et pratiques nécessaires à la résolution d’énigmes scientifiques
en somme, l’évolution de la science selon Kuhn peut être modélisée par une boucle : l’adoption d’un paradigme par la communauté scientifique dure tant qu’il n’y a pas d’obstacle anomalie externe qui le contredise
lorsque cette anomalie se manifeste une crise s’établit parmi les scientifiques et perdure jusqu’à la résolution du problème et l'adoption d’un nouveau paradigme
s'ensuit alors un retour à la science normale et ainsi de suite
les concepts de paradigme de science normale et de science révolutionnaire forment la base du modèle kuhnien de l’évolution de la science
de façon générale en s’appuyant ainsi sur une théorie des révolutions scientifiques Kuhn défend contre Popper l’idée que les théories scientifiques ne sont pas rejetées dès qu’elles ont été réfutées mais seulement quand elles ont pu être remplacées
ce remplacement est pour partie un phénomène social et donc imitatif dans le sens où il engage une communauté de scientifiques en accord sur un agenda centré sur l’explication de certains phénomènes ou de certaines expériences
cette communauté est dotée d’une structure qui lui est propre conférences publications...
il n’est pas rare dans l’histoire que plusieurs écoles coexistent pour une même discipline scientifique, éventuellement dans une relation d’opposition et d’ignorance réciproque relatives chacune abordant des problématiques communes à travers des paradigmes différents