Avant tout, je chanterai les pieds. Que la muse m'inspire car le sujet prête à sourire. Les pieds. Nos pieds. Qui nous portent et que nous portons. Façonnés par une évolution subtile et millénaire qui les rendit plus fins que ceux des primates supérieurs, moins prenants que ceux des primates inférieurs, plus aptes à la station debout que ceux des plantigrades. Souvent, il m'arrivait le soir, au cours des premiers jours de cette longue marche, de contempler mes pieds avec étonnement : c'est avec ça, me disais-je que nous marchons depuis l'aube des temps hominiens et que nous arpentons la terre. ça, c'est à dire une cheville ( avec un tendon dit d'Achille mais avait-il un nom avant Homère ?) un cou, une plante, des doigts. Le tout soutenu, charpenté par l'astragale, le calcaneum, le tarse, le métatarse et les phalanges ; à quoi il faut ajouter, pour la région antérieure du tarse, le cuboïde, le scaphoïde et les cunéiformes. Ainsi nos pieds portent-ils en eux un monde à découvrir. L'éthymologie a beau être fausse, j'aime à me dire que dans l'astragale il y a astre plutôt que gale, que phalanges évoquent la poussière des armées romaines marchant à travers la Gaule, cunéiformes les tablettes de cire exhumées des sables du Moyen-Orient et tarse, outre la ville d'Asie Mineure où naquit saint Paul, un petit animal oriental du genre lémure, le tarsier, qui ouvre toujours sur le monde de grands yeux étonnés.
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L.A. photographie, pied nu dans la tourbière des Saisies, août 2009
avec Jacques Lacarrière, Chemin Faisant, Payot/Voyageurs
signe d'amitié à Pascaline Degrange
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