Dés l'enfance, le royaume de leur chant et de leur vol ouvert comme un miséricordieux refuge ! Les déserts d'une âme sans voix soudain peuplés de leur voix, le poète racheté de son silence, quand la jubilation des alouettes émeut le ciel jusqu'à sa cime. Un seul merle dans la haie encore nue effaçait l'hiver. Et qu'une fauvette chante à l'aube, ivre, sous l'averse de juin, le noir greffier du petit jour, notre bourreau, cesse aussitôt de requérir, de torturer, se dissout et s'écoule au fil de l'ombre .
Leur fidélité, leur familiarité, leur pitié délicate ! Et leur détresse, parfois, soeur profonde de la vôtre. C'est elle qui fait d'eux vos messagers, nos guides, toujours prompts à prendre le relais de vos longs signaux exténués. Je n'ai pas su tout de suite vous entendre : nul ne le peut sans avoir vu se décanter lentement sa tristesse. Mais sitôt retrouvée une transparence, quel saisissement quand le bouvreuil dans le bosquet d'octobre, une flamme rose parmi les frênes aux feuilles noircies, m'a jeté son appel, cette plainte - la tienne, indubitable - qui console et déchire un coeur mal résigné à l'adieu ! Comme tu les aimais ! rappelle-toi le rouge-gorge cerné par la neige, au fond du temps jadis, dans le jardin perdu, son angoisse derrière la vitre aux pâles fougères de givre , l'arbre étrange où il nichait, ce dôme d'aiguilles impénétrables au gel, et son nom oublié, plus étrange encore. Remonteront-elles un jour de l'abîme temporel, ces syllabes ensevelies ? L' à jamais de ta voix tue se verra-t-il dénoué ?
Sans trêve,
quotidiennement, j'interroge.
quotidiennement, j'interroge.
Gustave Roud
Air de la solitude et autres écrits
poésie/Gallimard
ill. Arbre aux oiseaux, miniature persane (détail), XIX e s. Ecole d'Ispahan
un grand merci à M.Z.
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3 commentaires:
est-ce d'avoir été tant seul, de dire avec une telle exactitude la solitude, que Gustave Roud est devenu un de mes compagnons préférés? Y aurait-il, à côté de lui, la place absolue de l'ami? J'ignore la réponse. La question maintenue me suffit.
Je note ( à propos de l'oeuvre de G.R.) la séparation et l'exil sont au coeur de son oeuvre poétique...Le poète se tient à l'écart...Il est étranger...Différent des ses frères paysans...Observateur, guetteur,solitaire il contemple la vie des autres...Cette distance peut-être vécue comme une blessure...Elle est vive et douloureuse...Toutefois c'est la distance qu'il entretient avec le monde l'impossibilité de se confondre et de se fondre dans le groupe des moissonneurs et des faucheurs, qui alimente et permet le chant poétique... La solitude me semble-t-il est la condition essence-ciel pour rassembler les débris de ce paradis dispersé sur la terre ; c'est parfois douloureux !
écoutons le dans REQUIEM " Ah ! je rêve d'une présence pure, d'un jeune intercesseur, d'un frère de deuil à mes côtés, et nous irions ensemble vers la rencontre promise, chacun traversant sa propre transparence, pour parvenir enfin à cette lumière qui s'éveille aussi en chacun de nous, mais où tous se retrouvent ".
écoutons encore : " l'hirondelle, gardienne de l'ailleurs détenant le secret de ce "passage" et le laboureur ancré dans le sol et dans la vie, conduisent le poète au seuil des retrouvailles. Comment ne pas voir ici le mot solitaire, brillé comme SOLEIL ! SOL-AIR ; FIXE ET VOLATIL SOLAIR. La poésie n'est que cela, la tentative (désespérée peut importe)de rejoindre le sauf et l'indemme qui sans cesse appelle...Le solitaire devient en présence de mille présences (y compris humaine!)
Je découvre l'oeuvre de G.R. depuis peu; cadeau et délicatesse, vigilance d'une présence amie...
Bien à vous
Lionel André
Gustave Roud est également traducteur des oeuvres de Hölderlin !!
Vos mots, Lionel, vos mots, les mots que vous prononcez ici, oui, ici-même, ces mots-là, cette peau-là, inoubliable, primordiale terre qui ne cessera de refléter les miroirs, les voies ; abyssale, oui, abyssale est le mot, abyssale l'humilité, cet hiver rendu verbe d'enfant, cette voix intimité, ombreuse lumière.
"Ah ! je rêve d'une présence..."
Merci Lionel, de tout coeur
(et maintenant, en silence, écrivons le silence, écoutons-Le)
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