l’unité
d’un texte ne réside pas
dans ses origines ou son créateur mais
dans sa
destination ou son public
octobre 2023
Lionel André / promenades / randonnées / arts / littératures / air du temps
le matin en m’éveillant
je soulevai la toile
de l’entrée
de ma tente ce fut la paupière
d’un géant
Aventures
pour moi le soleil est encore un ventre
lorsque les forces qui traversent notre vision du monde et les champs de nos connaissances s’exercent dans des directions contradictoires une déchirure inévitable vient affecter de manière parfois irrémédiable l’ensemble de nos croyances légitimes
les anciens Grecs entendaient
des voix
quitter la terre
je me suis oublié sur une planche au soleil
*
le non-humain a un nom
découverte
on peut l’appeler aussi invention
parfois
il croise dans les parages du destin et s’appelle l’inconnu
mais son nom de toujours
c’est la voix
*
voir
le jour à travers les barreaux
nommés
œil oreille narine
ils te tiennent depuis l’enfance
ils sont ta sauvegarde
contre tout ce qui cogne aux parois
mais au-dedans plus de frontières
vole nage
marche au bras
des formes les plus grandes
passe au travers des murs de poudre
à toi
d’assiéger le monde
témoin invisible
redéfinir le temps
changer ses échelles
relativiser l’espace
approfondir la durée
raisonner la raison
déplier l’unité
chauffer la contradiction
forger la non-contradiction
diviser le moi
disperser le corps
fracturer la copie
déprécier l’original
multiplier la poésie
anoblir l’objet
fracturer le goût
dissoudre le réel
griffer le vide
signer le néant…
converser à l'intérieur d'un mur
*
le vide
la physique contemporaine le conçoit
comme
une entité
plus riche en potentialités que les mille et une nuits
en rebondissements
paré de sa définition
le vide
dispose
des deux vertus relationnelle et ontologique
quantique et cosmologique
la première en fait l’administrateur admirable
du microcosme et la seconde l’élargisseur
de l’espace père
de la matière
l’acte poétique par excellence
consiste à faire surgir
du vide
des combinaisons
improbables
qu’un mystère sans réponse
emplisse et imprègne
ton chant
qu’il soit
un vêtement chaud
dans la sueur
de ceux
qui longtemps l’ont porté
il choisit d'écrire en français bien qu'il soit issu d'un milieu néerlandophone : acte de résistance et d'antifascisme par rapport à son histoire personnelle dit-il dont l'emblème inconscient guide toute son écriture comme nous l'indiqueront les notes de synthèse et le rôle qu'il assigne à l'écriture poétique
de ses voyages en Orient Lambersy retire une vision cosmogonique omniprésente dans sa recherche poétique : elle fait aussi bien référence aux anciens cultes grecs ou romains qu'aux philosophies de l'Inde ou du Japon
quant à la pensée chinoise Lambersy lui est redevable d'un certain sens pratique de la notion qu'y jouent les objets et de la sérénité incarnée dans le sens de leurs usages ou de leur contemplation
de la pensée extrême-orientale Lambersy retire aussi ce sens des distances des blancs entre chaque fragment du discours ou de la pensée et d'une recherche architecturale tour à tour dépouillée et complexe
dans la pensée chinoise Lambersy découvre le sens du concret et l'attention accordée à une leçon de vie pratique plutôt qu'aux spéculations intellectuelles
l'écriture poétique de Lambersy est un amalgame entre deux types de sensibilité qu'il réussit à marier :
l'occidentale où la pensée philosophique et l'aphorisme comme le recours à des termes abstraits qualifie le style
l'orientale où le poète puise plus qu'une philosophie le sens d'un formalisme et d'une pensée paradoxale qui imprègnent toujours plus son écriture jusqu'à lui donner comme dans L'Arche et la cloche le Prix Maurice Carême 1988 un équilibre abouti
après avoir exercé divers métiers Werner Lambersy fut pendant de nombreuses années attaché littéraire au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris
son œuvre est traduite dans plus d'une dizaine de langues et il a reçu de nombreux prix
Et c’est de vivre qu’il s’agit…
et c’est de vivre
qu’il s’agit
de s’agiter sans hâte
rythmes et cadences
sans rien casser de l’onde
d’être vitesse exacte
avec le son qui va
d’être en mesure
de la lumière magnifique
la fine épée de l'éphémère
tout ça grâce à l'amour
des océans de plumes sur
la peau enfantine
de nos âmes
OSCILLATIONS AUTOUR DU PERDU
en respirant respire
parfois
je respire
plus fort et tout à coup
ma distraction continuelle aidant
le monde se soulève avec ma poitrine
peut-être pas
l'Afrique
mais
de grandes choses
la Vie dans les plis
HM
souvent il arrive que
je me jette en avant comme la mer sur la plage mais
je ne sais encore que faire
je me jette en avant
je reviens en arrière
je me jette à nouveau en avant
claquement dans le néant
un soulèvement vers le firmament
une liberté gagnée
un corps laissé derrière
quitter la terre
j’ai
un vide
que j’appelle
mon vide
j’ai
sans savoir dire à l’intérieur
de quoi il est
un vide
on n’est
peut-être pas fait pour
un seul moi
A
distance
souvenons-nous
de nous retenir
dans l’amitié
du silence
enfonçons nous
seuls
dans la nuit immense
entre
les mondes
une porte s’ouvre
aurore boréale
dans
une chambre close
voile magnétique traversé
l’aventure avait
déjà commencée
depuis l’âme naît
d’écriture éthérée
sur
une grande route
il n’est pas rare
de voir
une vague
une vague toute seule
une vague à part de l’océan
chercher
ce qui a une valeur
ce qui est aimable
c’est chercher la hiérarchie réelle des êtres
or pour cela
il faut comprendre comment fonctionne
une hiérarchie
dégager les conditions essentielles qui la régissent
voilà donc
notre nouvelle question
qu’est-ce qu’une hiérarchie
?
n’apprends qu’avec réserve
état des lieux
près de la fenêtre
la vallée recouverte par la neige
l'espace
d'un instant le monde profond
qui renvoie le regard
puis
un geai bleu
fait s'ébrouer la neige
d'une branche
des frissons
et
cette sensation sucrée
sur la langue
*
comme
approchait la fin
du jour
la pauvre fin
d'un jour sans vie
elle tenta
de compter les choses
qui lui tenaient vraiment au cœur
feuilles
amants qui prennent plaisir
dans la compagnie
des arbres qui vous
détende après bien
des baisers
dans les bras l’un
de l’autre
observez les feuilles
cet élément immuable qui demeure toujours identique à soi sans jamais vieillir c’est précisément le noyau de notre être qui n’est pas dans le temps
le relativisme
nous éclaire mais c’est un point
de départ
il ne met pas fin à la recherche
des valeurs mais l’initie
A tout jugement
de valeur s’oppose un jugement
de valeur égal
pour le moment
si notre époque est relativiste
cela ne signifie pas que
le relativisme est la seule
doctrine
des valeurs aujourd’hui valide
mais que ce qui prime aujourd’hui
c’est la cacophonie
de toutes les hiérarchies
de valeurs qui s’affirment haut et fort
dans la violence et le bavardage
relativisme fanatisme patriotisme cosmopolitisme…
notre monde n’apparaît pas comme celui
de la perte
du sens mais celui
de l’affirmation
de tous les sens possibles
méditez
uniquement sur le fait
que vous avez connaissance d’être
votre conscience doit être réalisée
cela vaut toute pénitence et effort
vous devez pratiquer cette méditation longtemps
pour être stabilisé dans la conscience
rappelez-vous
que vous n’avez pas de forme
votre forme est toute manifestation et toute imprégnation
on l’appelle Brahman
une fois que ceci est stabilisé plus rien d’autre n’est à faire
alors Cela qui ne meurt jamais
qui n’a aucune qualité et est sans illusion sera libre
on l’appelle Parabrahman
on doit éprouver de la dévotion envers le Guru
les bhajans et aarti chants dévotionnels sont des symboles
de votre amour pour le Guru
dans l’intention d’une stabilisation
pratiquez la méditation
vous acquerrez
naturellement la connaissance de votre Soi
un grand travail a été fait pour installer
une connexion électrique et éclairer la pièce
de la même manière
ceux qui ont accompli la Vérité ont accompli beaucoup
de pénitences dans les temps passés
maintenant cela nous est accessible
si vous vous êtes imprégné
de ce que vous avez entendu de ma part
reste-il encore
une question sans réponse
le seul instrument
pour la libération est votre propre conscience
réalisez-le et offrez-la à Brahman
aussi longtemps que vous serez enchevêtré
dans toutes sortes d’autres mémoires
vous ne pourrez pas progresser
soyez continuellement présent
à ce que vous êtes
et non pas à ce que vous savez
ne plongez pas
dans l’argent la santé la gloire les êtres aimés etc.
tenez-vous à votre Soi
le centre
de toutes choses
dans le monde est votre conscience
malgré le fait qu’Il le Soi suprême ait des millions de noms
il n’est teinté d’aucun nom
et sans
Lui
donner de nom
vous ne pouvez pas
Le chercher
vous vous identifiez au nom qui vous a été donné
et c’est pour cela que vous devez
supporter des outrages
si vous lâchez la fierté de ce nom
vous ne souffrirez plus
de ceux-ci
la libération signifie qu’il n’y a plus le sentiment d’existence
la vérité ultime c’est que je ne suis ni le nom ni la forme
la conscience est la même qu’elle soit un insecte ou la plus grande déité
quand la conscience est satisfaite à travers vous Brahman est satisfait à travers vous
l’ensemble du savoir mondain n’est du reste d’aucune utilité
jusqu’à maintenant
vous avez fait appel à votre conscience pour mémoriser
d’autres choses
maintenant
utilisez-la pour rappeler la conscience à elle-même
après avoir entendu tout cela
quelle sorte de sadhana allez-vous exécuter et comment
quand la conscience est comprise
vous voyez qu’elle est le support de tout ce qui est
le bien et le mal seront aussi connus
la conscience est la source de tout ce qui est
sans elle il n’y a rien
elle est infinie et sans limite
quand vous êtes comblé par quelqu’un vous lui donneriez tout
si vous êtes comblé par le Soi qu’est-ce qui en résultera
vous n’êtes plus un individu avec un mental et un intellect
vous êtes la totalité
maya s’est manifestée en tant qu’énergie et existence
elle vous intimide et vous menace
et pourtant
elle ne repose pas sur un iota de vérité
pour atteindre une telle connaissance
vous devez pratiquer
la dévotion
l’univers infini existe par la conscience
Nisargadatta Maharaj
samedi 19 août 1978
par lire comme des omnivores simultanément des poèmes des pièces des romans des livres d’histoire des biographies l’ancien et le nouveau
nous devons goûter avant de choisir
il n’est pas bon d’être un consommateur discret
chacun de nous a une forme d’appétit et doit trouver sa nourriture propre
n’évitons pas les rois parce que nous sommes des gens du commun
c’est un crime funeste aux yeux d’Eschyle de Shakespeare de Virgile et de Dante qui s’ils pouvaient parler et après tout ils le peuvent diraient
ne me laissez pas à ces gens en perruque et en robe
lisez-moi
lisez-moi pour vous-mêmes
peu leur importe que nous mettions l’accent au mauvais endroit ou que nous soyons forcés de lire devant un berceau
bien sûr
ne sommes-nous pas des gens du commun des outsiders ?
nous piétinerons de nombreuses fleurs et abîmerons bien des pelouses anciennes
mais gardons à l’esprit le conseil qu’un éminent Victorien qui était aussi un éminent marcheur donnait aux promeneurs
quand
vous voyez
un panneau avec
les intrus seront poursuivis
faites tout de suite intrusion
ce combat
n’est jamais gagné
mais
comme l’espoir
il n’est jamais perdu