Au cœur d’une pensée du conflit entre Israël et la Palestine, Terres enchaînées cherche à défaire les pièges idéologiques, politiques et éthiques dans lesquels nous sommes pris.
Pour ce faire, il cherche à tracer un possible : il le fait depuis ici et aujourd’hui, mais aussi depuis hier. Il le fait enfin depuis ailleurs, que cet ailleurs se nomme Palestine ou Israël. Ce possible repose d’abord sur la sortie du déni de la politique de colonisation et d’occupation des Territoires palestiniens, un déni qui organise la guerre tout comme il façonne les usages actuels du mot « antisémitisme ». Terres enchaînées donne également à lire des entretiens issus d’une enquête menée en Palestine à partir d’octobre 2023. Ces entretiens permettent de penser à nouveaux frais, donc en de nouveaux termes, les coordonnées de la question palestinienne. Car, quand les mots vitrifient la pensée, le temps est venu d’en trouver de nouveaux.
« Il est politique d’ôter à la haine son éternité. »
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Il est politique d’ôter à la haine son éternité
non par oubli
mais par désamorçage
du temps qu’elle réclame pour durer
La haine se nourrit de répétition
d’un passé figé qu’elle transforme en destin
Lui retirer l’éternité
c’est rompre son illusion de nécessité
l’arracher à la durée mythique
où elle se donne des droits
Le politique commence là
dans le refus de transmettre intact
ce qui prétend ne jamais finir
dans l’acte de rendre la haine mortelle
limitée, périssable
soumise au temps commun
Car ce qui a une fin
peut être traversé
désarmé
transformé
Ôter à la haine son éternité
ce n’est pas nier sa force
c’est lui refuser le trône du sacré
la déchoir de son prestige sombre
et rendre à l’avenir
la possibilité de ne pas lui ressembler
C’est un geste discret
mais décisif
rendre le temps à la vie
et retirer à la haine
le luxe de durer toujours