Dans un sommeil aussi doux que la mort,
J'étalerai mes baisers sans remord
Sur ton beau corps poli comme le cuivre.
" Le Léthé "
Baudelaire
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Mais c'est l'ensemble des fleurs du mal que, dans un des derniers projets de préface du recueil, Baudelaire souhaite placer sous l'emblème bizarre de ce désir d'un sommeil absolu, non artificiel et non naturel. Ni les drogues humaines, ni " la pharmaceutique céleste " n' en possèdent le secret, qui repose entièrement dans le coeur de l'homme. La douleur de vivre et l'échec d'une carrière y trouveraient leur réparation, liée à la conscience d'avoir écrit quelques beaux vers, et l'on ne peut s'empêcher de penser que les poèmes doivent être lus en tenant compte de cet aveu final :
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" Je n' ai le désir ni de démontrer, ni d'étonner, ni d'amuser, ni de persuader. J'ai mes nerfs, mes vapeurs. J'aspire à un repos absolu et à une nuit continue. Chantre des voluptés folles du vin et de l'opium, je n'ai soif que d'une liqueur inconnue sur la terre, et que la pharmaceutique céleste elle-même ne pourrait pas m'offrir, - d'une liqueur qui ne contiendrait ni la vie / vitalité ni la mort, ni l'excitation, ni le néant. Ne rien savoir, ne rien enseigner, ne rien vouloir, ne rien sentir, dormir et encore dormir, tel est aujourd'hui mon unique voeu. Voeu infâme et dégoûtant, mais sincère. "
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