établissez vous
en un lieu aussi favorable que possible
à la concentration de votre esprit sur lui-même
placez-vous dans l’état le plus passif ou réceptif
que vous pourrez...
écrivez vite sans sujet préconçu
assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vous relire
établissez-vous oui
et laissez le lieu se retirer derrière vous
qu’il ne reste que la surface intérieure
plane disponible
sans attente
alors quelque chose commence à glisser
ce n’est pas une idée
pas encore une phrase
plutôt une pression douce
un courant qui cherche une issue
Écrire vite
non pour aller loin
mais pour ne pas barrer le passage
La main sait avant l’œil
la phrase avant le sens
le rythme avant la pensée
Les mots arrivent mal coiffés
légèrement de travers
ils portent encore la nuit dont ils sortent
Ne pas corriger
Ne pas comprendre trop tôt
Laisser la phrase se faire
comme un rêve qui s’énonce
pendant qu’il a lieu
Il n’y a pas de sujet
il y a une poussée
Pas de plan
il y a une dérive précise
Ce qui s’écrit n’explique rien
mais déplace
À mesure que la vitesse s’installe
le moi se relâche
la vigilance tombe en arrière
et l’écriture devient un phénomène
presque impersonnel
comme si le langage
se souvenait de lui-même
Quand enfin la main ralentit
ne pas relire tout de suite
Laisser reposer le texte
comme on laisse retomber la poussière
après un passage rapide
Ce qui restera
ne sera ni vrai ni faux
mais actif
un fragment de courant capturé
une trace de l’esprit
au moment exact
où il cessait de se surveiller