Emily Brontë
déclara
à sa sœur Ann
à son père
aux deux vicaires
aux deux servantes
quand elle fut de retour dans la cure
à Haworth
à partir d’aujourd’hui
j’exige que personne ne se mette en travers de mon désir
de me tenir à l’écart
à l’écart des visiteurs
bien sûr
à l’écart des fournisseurs
cela va de soi
mais encore
à l’écart
des autres membres de la famille
cousins cousines nièces
tantes
désormais
je veux qu’on me fiche
la paix
s’occuper des pauvres
apporter le thé aux pasteurs en visite
voilà qui est au-dessus
de mes forces
la liberté
selon la conception qu’en a Emily Brontë
n’est pas un état
il s’agit d’
un irrépressible élan d’émancipation
qui entraîne dès la sortie du ventre maternel
et qui est à ses yeux
infini
la liberté
c’est
la préservation
de l’isolement personnel
originaire
elle dérive
de l’autoenlacement fœtal
si proche du mouvement que font les
bourgeons des fougères dans leurs crosses
menues avant qu’elles
se déplient
cette unité
qui est aussi une union avec soi
est antérieure à la relation duelle
qui s’instaure
aussitôt que la mère nourrit
son nourrisson en tendant son sein et en inclinant
son regard
antérieure
à la relation ternaire
par laquelle la grammaire commence
à laquelle
on a noblement associé le nom
du roi Œdipe
antérieure
aux relations plurielles et familiales
soumises et puériles
scolaires
adolescentes et honteuses
collectives
droits et devoirs des citoyens
cette façon
de concevoir le destin des jours et l’évolution des âges
est proche des enseignements
du bouddhisme
libération
des étapes successives de la morphogenèse
puis de
celles de la phylogenèse
puis de
la hiérarchie des classes sociales
puis des
bienfaits et des contentions angoissantes de
la civilisation
un matin
alors que la nuit finissait
le prince Çakyamuni se leva de sa couche
sans faire de bruit
quitta pour toujours son épouse
enjamba le corps de son fils qui dormait
sortit du palais de son père
rejoignit
un arbre au bord de l’eau
s’adossa à son tronc
jusqu’à sa mort
il resta assis
dans l’ombre de sa ramure
*
Pascal
la Réponse à Lord Chandos
il y a
une clé qui ne sèche jamais
il s’agit de la clé qui déverrouillerait l’origine
la clé de la chambre interdite
on ne sait si elle est tachée de sperme ou de sang
on hésite toujours
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire