les mots
ce sont toutes les choses
dont vous avez demandé le nom jadis
quand rien ne les désignait à votre regard
si rien ne venait les nommer
Du temps où vous étiez vous-même alors sans prénom et sans nom. C’est-à-dire quand vous n’étiez même pas le fantôme que votre désespoir vous fait croire que vous êtes devenu. La subjectivité n’est qu’une mélancolie, une aire nue qui n’apparaît si terriblement que quand le flot de la sève et du sang se retire, et non quand le langage déserte. Alors travaillez toutes ces impuissances à dire et forcez, pressez, cultivez toutes les détresses qui en découlent. La langue dont vous disposez a la capacité de votre émotion puisqu’elle en est le lit. Il ne faut pas travailler la langue pour jouir d’elle, ni pour s’abuser, ni pour l’orner, ni pour respecter ses règles, ni pour séduire d’autres hommes, ni même pour héler une femme qui s’est perdue à l’instant de naître et dont la perte vous poursuit d’une façon insaisissable après qu’elle vous a abandonné dans le jour.
Il ne faut pas décomposer l’âme dans un esprit d’autopsie alors que ce n’est qu’un souffle emprunté à l’air que la naissance délivre.
il faut adorer
dans la langue acquise
la défaillance d’acquisition
qui limite tout sans cesse et qui ne la borne
jamais
il faut lutter
avec cette défaillance
à dire le monde
perdu
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