mourir n'est qu'une conséquence
de notre manière
de vivre
nous vivons
d'une pensée à une autre pensée
d'un sentiment à un autre
nos sentiments et nos pensées au lieu
de couler comme un fleuve paisible
nous passent par la tête nous
envahissent et nous quittent
illuminations
éclairs
intermittences
en t'observant bien
tu t'aperçois que l'âme n'est pas une substance qui change
de couleur par transitions nuancées
mais que les pensées en jaillissent comme
des chiffres
d'un trou noir
tu as telle pensée
tel sentiment et tout
d'un coup d'autres les remplacent surgis
de rien
si
tu es très attentif
tu peux même saisir entre
deux pensées l'instant
du noir absolu
cet instant est pour nous
une fois saisi
tout simplement la mort
notre vie ne consiste en effet qu'à poser
des jalons et à sauter
de l'un à l'autre
franchissant ainsi chaque jour mille et mille
secondes mortelles
dans une certaine mesure nous ne vivons que
dans ces pauses entre
deux bonds
voilà pourquoi nous éprouvons un effroi si grotesque
devant la dernière mort qui est ce que l'on ne peut plus jalonner
l'abîme insondable où nous sombrons
pour cette manière-là
de vivre
elle est vraiment la négation absolue
mais elle ne l'est que
dans cette perspective
que pour celui qui n'a jamais appris à vivre autrement que
d'instant en instant
j'appelle cela le mal
du sautillement et tout le secret c'est
de le vaincre
il faut apprendre à éprouver sa vie
comme
un long glissement calme
au moment où l'on y parvient
on est aussi près
de la mort que de la vie
on ne vit plus
selon nos critères communs
mais l'on peut
davantage mourir
puisque avec la vie on a suspendu aussi la mort
c'est le moment
de l'immortalité
le moment où notre âme sortant
de la prison
du cerveau pénètre
dans ses merveilleux jardins
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire