Lisez,
lisez la grande biographie de Louis Auguste Blanqui
par Gustave Geffroy :
«L’enfermé».
Elle est maintenant facilement accessible.
On traverse avec elle tout le XIXe siècle, ses rêves, ses batailles, ses utopies et ses misères. Qui pour chaque gouvernement successif figure l’ennemi le plus terrible : l’insurrection populaire. Blanqui a fasciné Walter Benjamin parce qu’il est un anti-Baudelaire. C’est lui qui fera de la biographie de Gustave Geffroy un outil privilégié pour renverser l’imagerie convenue de ce siècle majeur, naissant des cendres de la Révolution pour engendrer l’allégorie majestueuse de l’Exposition universelle de 1900. Et, quand Walter Benjamin se met alors à la tâche sur Blanqui lui-même, il exhume ce texte — un opuscule de plus dans l’océan de ces pamphlets et brûlots —, mais que nous considérons tous désormais comme un de ces poèmes qui disent la civilisation, celle que nous sommes, à l’échelle de ses utopies, en les projetant dans l’espace-temps infini et chaotique du cosmos.
Là où «Eureka» d’Edgar Allan Poe et la grande «Astronomie» de Camille Flammarion se rejoignent. Sauf que Blanqui, qui a connu toutes les geôles parisiennes, les cachots du Mont-Saint-Michel et la déportation à Belle-Île, a maintenant le monopole d’une prison réservée à lui seul. Ses lettres sont pathétiques : dans ce fort oblong et tout lisse, le fort du Taureau, posé au milieu de la baie de Morlaix — un des plus beaux lieux de notre Bretagne sauvage, au-dessus de sa tête en permanence le martèlement de pas des soldats qui le gardent. L’isolement absolu, la mutité hostile des militaires, et les heures de promenade sur la terrasse de pierre, où rien à voir que le ciel. Alors c’est du ciel qu’il parle, Blanqui.
De l’infinité des astres, et de la non-limite de l’univers. On peut, comme il dit « milliarder à l’infini ». Alors, quelque part, à force de dupliquer, trouvera-t-on une planète à la semblance de la nôtre, et, à dupliquer encore, peut-être que dans l’une d’elles la Révolution aurait réussi — serait advenu le rêve d’une humanité plus belle et plus fraternelle. Mais de cela, le vieil homme ne parle même pas. Au soir des combats, il connaît surtout l’abîme. Alors c’est dans la voûte infinie des possibles qu’on va suivre cette phrase sublime — ce texte de1872 est désormais une fondation essentielle de notre patrimoine littéraire comme politique.
TIERSLIVRE
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